Osaka, les vraies bonnes tables

Ina part à Osaka. Elle me demande des adresses. Bon, les voici, Ina.

C’est clair là bas, cela ressemble à ces villes que l’on oublie, et paradoxalement, cela constitue leur force (la force des masqués). C’est simple, des villes accaparent l’attention (Florence, Milan, New York, Tokyo), alors que non Osaka_by_night_5 loin de là piaffent d’impatience des cités tout aussi passionnantes : Bologne, Chicago… La liste peut être longue, elle se vérifie presque partout. Au Japon, l’exemple le plus flagrant se situe à Osaka, deuxième ville du pays, dans la province de Kansai (à l’est). Il est vrai la ville n’est pas forcément sexy. Seuls le château et les jardins donnent du chien à ce port. Le reste est fastidieux, laborieux, sans charme réel. Dans ces conditions, les restaurants locaux sont au pied du mur. Que faire lorsque Tokyo capte tous les regards, étincelle jour et nuit, fait galoper la terre entière ? Rien.
Voici donc des cuisiniers livrés à eux-mêmes, confrontés à une passion locale pour la nourriture (résumée en un slogan, « kui daore », manger jusqu’à plus faim), n’ayant rien à perdre. C’est sans doute là les meilleures
conditions pour se transfigurer, éventrer le destin, clouer le bec à ceux qui doutent. Osaka est située à deux heures trente de Tokyo, autant dire la porte à côté. Les tables du coin valent plus que le voyage car elles délivrent une incroyable efficacité.
Prenez l’adresse de Shi- geo Nakamura (Nagahori, 2- 6-5 shimanouchi, chuo-ku, 00.81.06.6 212 5856 ; téléphonez, comme partout, on vous faxera le chemin) et vous comprendrez tout de suite. L’adresse est improbable et vous hésiterez à rentrer dans ce petit couloir. C’est donc là le meilleur restaurant ? Si, si, entrez, prenez un tabouret et laissez défiler un des meilleurs repas que nous ayons pris ces derniers temps. Le patron est là, tout souriant, bravant un destin qui lui fit perdre sa femme dans le récent accident de train d’
Osaka. (Le conducteur était novice, son train prenait du retard, il accéléra exagérément dans une courbe : une centaine de morts…) Déroulé d’une simplicité renversante : poireaux tout simples en vinaigrette ( !), salade d’un seul potager, croquette de crabes, oeufs de poule préformés sans coquille, et voilà. Détails qui a son importance, ici, vous pourrez faire des « festins » pour trois fois moins cher qu’à Tokyo (80-100 Euros) où les prix deviennent dingos.
Deuxième adresse, Sushiyoshi (2-3-23 minamimorimachi, Kita-ku, 00.81.06.6 361 0062), avec là encore des poissons cinglants de fraîcheur, des spécialités locales (udon sushi : des poissons crus avec des nouilles), des découpes élégantissimes et une impression radicale de qualité. Une autre adresse ?
Et comment ! Fujiya (2- 4-14 yariyamachi, Chuo-ku, 00.81.06 6941-2483), avec cette fois-ci un décor contemporain et la cuisine qui donne dans la salle. La maman s’occupe de l’accueil, son fils et sa bru sont en cuisine, encore tout chamboulés par un voyage gastronomique en Europe qui vaut au restaurant une teinte hispanisante (sans doute les portions de tapas des plats). Là encore, netteté des interventions, esprit ludique (de la neige de Nagano avec du balsamique) et qualité des produits (les poissons sont désarmants de fraîcheur).

Corby_photo_2 Pour les nostalgiques du Vieux Continent (cela vient forcément au bout de quelques jours) il faut absolument aller goûter la cuisine de Dominique Corby à l’hôtel New Otani (1-4-1 Shiromi Chuo-ku, 00.81.06.6 941 1111). Lui aussi possède cette bonne rage qui vous fait décupler les forces, trouver les failles et imposer une cuisine française avec de multiples touches japonaises. Partout, ça fuse comme des points d’exclamation : racines de lotus (renkon) et crosnes du Japon (shorogi) au jus de volaille, émincé d’ormeaux aux truffes fraîches et saucisse sèche. Ou encore ces crevettes amaebi au consommé de yuzu de todoromi, navets, carottes et radis (tanabe daikon), accompagnés du jus des feuilles à boire. Ou encore : filet de boeuf de L’hokkaido rôti, légumes secs à la queue de boeuf, spaghettis de ebi et crème de boudins aux pommes. On est en plein concassage de méridiens, c’est bon et ça vous donne le moral pour dix ans. Vue superbe sur la ville, belle carte des vins et pain maison. Dominique Corby vient également d’ouvrir une deuxième adresse à Tokyo, le Sixième Sens, un café restaurant situé en plein quartier de Ginza. On y retrouvera sa cuisine mais plus délurée et citadine dans un cadre contemporain et confidentiel.

Photos /Cyril Almeras, le Japon la nuit/ Dominique Corby-D.R.

  • Thomas
    26 avril 2007 at 17 h 13 min

    Merci beaucoup pour ces quelques adresses !

  • Magali Giraud
    7 août 2007 at 16 h 36 min

    Merci pour ces adresses! Je découvre votre blog avec plaisir.
    Je suis ravie de voir figurer ici le restaurant « sixieme sens » de Ginza, auquel j’allais regulierement voici un ou deux ans, lorsque je travaillais dans ce quartier de Hibiya. La formule du jour, souvent audacieuse, toujours très esthétique et très abordable, me permettais alors de retrouver la cuisine francaise avec plaisir!