Sonia Sieff, fibres optiques

cachemirons

Outre ses photos unanimement saluées, cette jeune femme habitée s’est associée à la maison Bompard pour lancer une ligne de cachemire.

Dans ce café des  Abbesses, à Montmartre, à Paris, une rangée de beaux garçons quadragénaires la regardent de façon mélancolique, presque féminins dans leur abandon du matin. Elle, c’est Sonia Sieff. Une grande et belle tige de 1,77m, bien posée sur ses pieds, sa vie, son quartier, ses voyages.  C’est l’heure du réveil et des conversations bancales. Sonia Sieff appartient à ces êtres au regard en mouvement constant. Il scanne la rue, les passants, les pavés, un rayon de lumière, un sucre dans la tasse.  « Je passe mon temps à regarder dehors. Il ne faut surtout pas m’empêcher de m’évader ainsi. Cela m’appartient. C’est ma curiosité. Je me nourris de ce qui se passe autour. En mutation permanente, en rêverie, c’est pour cela que j’aime ce quartier irréel. De vivre autrement, de ne pas être en prise avec une sorte de quotidien. Je n’aime pas les choses prévisibles. »

Ce pourrait être lassant et désobligeant, mais l’on imagine guère un boulanger sans son talc de farine, un mareyeur sans de larges paluches écorchées à l’iode. Donc, le photographe passe son temps à voir. Il y a son regard. Et puis son oeil. Plus libre, plus poétique, plus philosophe.
Aujourd’hui Sonia Sieff n’est pas venue parler de ses clichés, de son travail unanimement salué  (« les Françaises », 155 photographies de nus féminins,éditions Rizzoli, 2017), mais d’une singulière aventure avec les cachemires Eric Bompard. Avec la directrice du style maison, Lucille Léorat, elles sont parties à la recherche de ce qui pourraient être des vêtements dociles et aimants, se pliant au gré des humeurs, s’allongeant au « soleil d’hiver » (un gilet à torsades jaunes), s’emmitouflant dans un sweat à capuche (le grand voyageur), rasant le cou en rose (le « piquant) ». Il y a aussi le « contre ma peau » (pas besoin de faire un dessin), le joueur (en V, recto verso), le Nostalgique façon écrivain et son revival 70 (façon Susan Sontag, Joan Didion).

Ce matin, Sonia porte un pull montant aux tonalités gris doux. « Il s’appelle « Gros Chagrin », c’est comme un rempart au monde extérieur, avec un clin d’oeil à Romain Gary et son « Gros câlin ». Du reste, c’est étrange car ce matin, j’ai pleuré. «  Ne pas poser de question.

Ce pull pourrait être un livre ouvert. Sonia y a mélangé des tons (on dit « mouliné ») comme du reste dans sa vie, ou elle essaie de ne jamais être devancée. « Ce n’est pas, dit elle au dessus de son cappuccino,  parce que j’ai pris du thé vert quatre fois de suite que je vais continuer. Je n’aime pas qu’on me coince, qu’on me case, qu’on m’attende dans une suite prévisible. J’aime bien déjouer la logique attendue et me surprendre moi même. »  C’est son « chiné » à elle. Ce serait cette alternance de cieux (le Japon, la Grèce), la passion pour la lecture (en ce moment Julien Gracq, « le Rivage des Syrtes »; André Hardellet « Lourdes et lentes », De Beauvoir; le Robert à n’importe quelle page) ). Ce serait aussi la marche dans les montages,  l’ultra sensibilité de  ses pellicules (3200 iso). Cela donne du grain aux nuits comme celui qu’elle apprécie avec un papier, une plume, l’encre, les gommes. Lorsque l’on parle de Sonia Sieff, on parle d’elle comme une « femme française », en référence miroir à son livre de photo. «  Je ne sais pas si ce mythe existe vraiment, dit elle. La Parisienne serait unique, elle  a son caractère, elle n’est pas soumise, elle est dans l’engagement. » Elle parle aussi. Cite Doisneau: «Combien de fois encore verrai-je refleurir les merveilleux marronniers du boulevard Arago ?». S’en repart vers son ciel de Montmartre.

 

Remerciements pour les photos au site thesocialitefamily.com

  • The Socialite Family
    23 novembre 2017 at 16 h 06 min

    Bonjour,
    Nous venons de découvrir votre article sur Sonia Sieff et nous nous apercevons que vous avez exploité une photo issue de notre reportage sur The Socialite Family.
    Serait-il possible d’être crédité avec un lien sortant vers http://www.thesocialitefamily.com ?
    Par avance merci et très belle fin de journée.

    • François Simon
      31 décembre 2017 at 14 h 35 min

      Oups, c’est fait, merci beaucoup !