Voyage à Busan…à l’encontre du cliché coréen…

La deuxième ville de Corée du Sud, le neuvième port du monde, affiche un caractère entier, bon vivant. Elle choisit sa modernité et accueille prochainement son 24 eme festival international du cinéma.

Dès l’arrivée à Busan, au sud-est de la Corée du Sud, il faudrait tout de suite aller au port. Comme du reste, à Istanbul, foncer droit au hammam Cemberlitas avec ses valises. Histoire de se mettre dans le bain de façon frontale. Celui-ci bouillonne. Après de superbes travellings autoroutiers sur les baies profondes de la ville, l’estuaire du Nakdong ,multipliant ponts, collines boisées et courbes, Busan affiche et claque ses atouts: premier port mondial de transbordement, 6eme  port mondial à conteneurs. Voici un hub surpuissant au coeur de la triade mondiale portuaire (Asie Orientale-Europe Occidentale et Amérique du nord). Si les coups de marteau sur le métal, les grues immenses, les super et méga cargos vous laissent de marbre, rien ne vaut une plongée dans le port de pêche dans le quartier de Jagalchi. Le marché est vertigineux; Tsukiji (Tokyo) et Rungis peuvent se rhabiller en ciré. Ça grouille, bondit dans l’eau ruisselante. L’océan s’est déversé ici dans une atmosphère entre Zola et Orwell. De partout, on vous interpelle, des petites dames apprêtent les poissons, rigolent dans la canaille et l’écaille. Allées à perte de vue, ruissellement de boutiques, bâtiments immenses sur six niveaux avec zone commerçante à touche touche, restaurants, karaoké, salle de mariage et de banquets. On déjeune à toute heure sur de vastes tables nappées de jaune citron,  ou recroquevillé dans les petites échoppes. Busan vient d’abattre sa première carte et vous voila éjecté du cliché coréen et son introuvable « matin calme ».

Que sait-on du reste de ce pays au passé dévastateur, colonisé, pillé, refroidi par les guerres, divisé, humilié…Rien ne lui aura été épargné. D’où sans doute, ce phénoménal regain, cette lente et douce revanche. Elle place le pays au douzième range des puissances mondiales. Busan n’a rien à voir avec Séoul plus autocentrée (« Nous on partage », dit-on à Busan), laborieuse, la tête enfouie dans le sac, encaissant les mutations effrénées, les scolarisations sur-aiguës poussant la ville à décréter le couvre-feu scolaire à 22 heures. Disons qu’ici, c’est la différence entre Marseille et Paris, Osaka et Tokyo. C’est plus marrant, joyeux, ensoleillé. Busan a un usage de la modernité qui lui est propre. Cette dernière n’a pas non plus la radicalité d’un Rimbaud (« Il faut être moderne »), ses « drapeaux d’extase », d’un Paul Klee ou d’un Maiakowski. La métropole fait sa petite cuisine, ménageant la frénésie du progrès, l’activisme du bien être, l’inflationisme du nouveau et ses tensions. Busan garde une retenue sur l’autel de la modernité; être conforme soit, mais tout en s’affirmant. Sa modernité serait son ironie. 

Demain, la suite !