Vincent Cassel 2/2. « Je me faisais mal… »

la suite de l'entretien

Pourquoi le Brésil parle tant en vous?

C’et une vieille histoire d’amour. Déjà, le Brésil a failli être français, et puis c’est ce que j’aime là bas, c’est cette dimension non formatée. J’en suis la première victime. Depuis Camus mise en scène, l’une des trois destinations du Concorde. Pourquoi ? Je ne sais pas d’où ça vient. Quand on est amoureux de quelqu’un, on ne peut pas toujours placer les mots, ce n’est pas bon signe.

De quoi abusez-vous?

j’ai beaucoup abusé de tout. Maintenant, je fais attention à ce que je mange. J’ai une hygiène de vie. Le temps passe, il faut que fasse gaffe. Je suis beaucoup sorti, j’ai pris toutes les drogues pour les essayer, mais jamais de façon dépendante. J’ai fait les sports extrêmes. Je faisais trop dans l’excès, je me faisais mal.

A quoi avez vous renoncé?

L’acrobatie. l’idée de pouvoir faire de choses extraordinaires avec mon corps,  car il y a toujours de nouveaux mouvements  avec une incroyable porosité entre la danse, le skate, le surf, le ski, la capuera. J’ai été opéré de partout, j’ai eu deux hanches changées, une épaule. J’ai passé beaucoup trop  de temps à l’hôpital . Du coup, j’ai renoncé à ça.

Vous aimez bien  « corrompre » vos personnages, en quoi complexifiez vous votre vie ?

J’essaie de simplifier les choses. Je ne suis pas non plus dans la démarche de corrompre absolument les personnages. Disons que lorsque c’est un gentil, je le salie. Et un méchant,  j’essaie de savoir ce qu’il y a de beau en lui. Les héros me font chier, les méchants purs et durs, on s’en fout.

Vous évoquez au sujet du film « Le monde est à toi », l’importance de tuer ses parents, comment avez-vous fait avec un père aussi délicieux et consensuel?

J’ai eu la chance d’avoir eu un père qui a accepté d’être tué par ses enfants au sens symbolique. Mon père était un adulte. Le problème c’est lorsqu’on a des parents qui ne sont pas adultes. Ils n’arrivent pas à comprendre qu’il y a un moment où il faut laisser la place à ses enfants. Mon père ne l’a pas été très longtemps quand il a vu qu’il avait en face de lui un acharné à créer mon image. Moi je découle totalement de lui, de sa passion, même physiquement d’autant que j’ai beaucoup lutté contre cela, je me grimais. Je jouais le contraire ce qu’il était pour échapper à son image. Quand il est mort, je me suis aperçu que ça ne servait rien. Maintenant, je l’accepte. On touche là à l’éternité: les enfant vous ressemblent. Ils continuent à leur tour. J’ai beaucoup travaillé avant d’arriver à ce genre de considération. Jamais je ne veux briser la rébellion que mes enfants auront. Au contraire, S’ils peuvent  se rebeller contre l’ordre des parents, ils pourront se rebeller contre la société et les ordres établis.  Quand ma fille m’envoie chier, ça me fait sourire.

On vous sait grand bosseur, et paradoxalement, on attend encore plus de vous …

Je ne suis pas un super bosseur contrairement à ce qu’on dit. C’est l’image. C’est la prestidigitation, nous y revoilà. Je ne travaille pas, j’infuse. Le moment où je travaille le mieux, c’est entre l’instant où je tombe dans le sommeil et celui où je vais me réveiller. C’est celui où l’on rêve. Tout ce que vous avez pu observer, lire, se cristallise en une image ou des images ultimes. Une vision. Et après, ce qu’est qu’un lâcher prise. Rejoindre l’image mentale. On retrouve là l’inconscient, l’instinct, plus fort que l’intellect froid, limité par les éducations, la société. J’ai toujours joué des personnages un peu hors-norme soi disant, parce que ce sont des personnages qui osent,qui braquent des banques. Ils ne sont pas moralement acceptables. Notre animalité dans le fond nous pousserait à faire des choses bien plus terribles. Elle permet d’aller dans le réel désir, ça, c’est jubilatoire.

Lorsque l’automne arrive, changez vous d’eau de toilette?

Je ne mets pas d’eau de toilette. N’utilise pas de savon parfumé. Je prends même des déodorants inodores. Ca dépend de la bouffe, notre odeur change en fonction.  Même si j’ai fait des publicités, lorsque je mets un parfum, je perd mes repères. J’ai besoin de sentir en amour, en amitié. Une fille me plait, elle monte dans la bagnole…Ça ne va pas le faire, c’est épidermique. Non point qu’elle ne sente pas bon, mais je ne la sens pas, c’est le jeu des phéromones. Si ça ne colle pas, on va faire des enfants laids. Le Brésil pour moi a plein d’odeurs. Dès que j’arrive à l’aéroport, et j’aime tellement ça, c’est cette odeur de déodorant cheap que les gens mettent en Amérique du Sud. Ça me rassure . Et la bouffe, n’en parlons pas! Je ne contrôle pas toujours. Mais  quand on a une activité physique quasi quotidienne, on crame énormément. Pour Vidocq, il fallait que je prenne du poids, style sanglier, je me suis mis à faire de la muscu et bouffer avec tous les soirs avant de m’endormir un pot de Haagen-Dazs, sans compter les cinq repas de la journée avec de la protéine. J’ai fait 95 kilos, alors que je me sens bien à 79 kilos. C’est mon poids de surfeur.

C’est étonnant de vous voir sur Instagram…

C’est mon épouse qui m’a mis dessus. Elle est beaucoup plus jeune que moi. Je pensais  au début que c’était un truc de con, du narcissisme à l’état pur. En fait, elle vit de ça depuis qu’elle a quinze ans. Je me suis dit pourquoi pas moi. Il faut juste que ça me rapporte 100 000- 150 OO0 euros par an. Je m’y suis mis, j’ai cherché, enregistré le regard et les réactions acerbes de la société sur la morale. Ça me sert surtout à financer plein de trucs, notamment un festival de musique brésilienne, qui s’appelle Onda carioca. Parmi mes  800 000 followers, je retrouve des potes de Tahiti,  crée des liens…

Quel usage faites vous de la tristesse, vous la dissolvez ou vous l’accueillez ?

Je pense à un chanson de Martinho da Vila (il chante). Elle dit: laisse moi profiter de ma nostalgie. C’est passionnant d’être le spectateur des choses physiologiques qui se passent en vous. On est traversé. Alors j’observe comment se lient les pensées, bougent les humeurs et garder cette distance que décrit Castaneda. D’une certaine manière alors, les sentiments se dissolvent.

Y a t il une image manquante dans votre vie ?

Je m’estime extrêmement gâté par la vie. Les entraves familiales, font tellement partie de ce que je suis aujourd’hui, que je ne regrette rien. Même mes problèmes, je les intègre, je m’en sers, je surfe dessus. J’ai des enfants en pleine forme que je connais bien, je connais l’amour encore aujourd’hui. Je m’amuse énormément dans ce que je fais.