Talloires. L’arrivée de Jean Sulpice à l’auberge du Père Bise

Dans son élan

Récemment pour M le supplément du Monde, j’ai pu me rendre à cette adresse, voici un petit résumé de mes impressions…

 

Le problème des chefs, c’est bien souvent leur ego. Où le placer entre les oeufs de caille, le jus de concombre et la fera fumée? Nulle part, surtout pas! S’arrêter juste à temps et filer doux. C’est un peu l’équation aujourd’hui de Jean Sulpice et sa femme Magali à l’auberge du Père Bise, à Talloires, près d’Annecy. L’adresse appartient au gotha de la cuisine française. Elle s’était égarée non sans délice, elle vient d’être reprise par un des wonder boys de la cuisine française. Son visage d’aigle  semble être taillé par une descente à ski. Il pourrait presque venir directement de Val Thorens, là où il exerçait non sans brio (deux étoiles) avec des jours sans clients, des congères encombrant sa terrasse et les habitués arrivant en casques et lourdes chaussures. Ici, c’est différent, le lac est magnifique. Il est même un peu trop présent avec son regard nacré, laissant faire le junior. Lui, a compris qu’il ne fallait pas tarder, ne pas remaquiller les plats de jadis, les « revisiter » comme aime faire la téléréalité. Non partir, aller vers soi. Difficile à cet égard de qualifier la cuisine de Jean Sulpice, car elle bouge, elle est dans son « allant » à l’instar de ce boeuf fumé au bois de genièvre. La viande est en son centre, parfaitement saisie, divinement croutée. Pas de garnitures, juste un foisonnement d’herbes venant étendre le champ gustatif: la livrèche pour son goût de céleri, la pimprenelle et sa noix fraîche, l’oseille pour l’acidité. Les pâquerettes pour la dimension essentielle d’un grand plat: l’amertume. La cuisine de Jean Sulpice appartient à ces chants clairs et énoncés , presqu’a capella, sans orchestre symphonique, ni remasteurisation. On pense ainsi à sa crème de beaufort, angélique dans sa structure aérienne et bigrement présente dans ses accents, son croquant (noix de Grenoble, noisette du piémont). Le lac lui ne bouge toujours pas ou du moins, il semble envoyer un message codé dans ses filaments argentés. On peut y lire comme de la bienveillance. A l’image d’une clientèle comme apaisée, amadouée par une cuisine moderne, locale, juvénile. Et surtout bonne.

Les meilleures tables. Bien entendu, le long de la baie vitrée donnant sur le lac. Il doit être agréable de diner également en terrasse.

Dommage. Pour chicaner, il faut se lever tôt…Ah peut être, les voitures trop présentes dans ce site idyllique.

À emporter. Il faut avoir les nerfs solides pour ne pas résister à la petite boutique de l’hôtel car il y a là tous les produits accompagnant la cuisine de Jean Sulpice, les livres, les Opinels, linges de table et quelques flacons (dont quelques bénédictines).

Auberge du Père Bise- Jean Sulpice,303, route du Port, 74280 Talloires. Tél.: 04.50.60.72.01.

Décibels. 68 db, bel espacement des tables et clientèle sous le charme.

Mercure. Total contrôle: 20°c

L’addition. Entrée 45€ + poisson 67€ (ou viandes 78€) et desserts 29€ soit 130€ environ par personne.

Minimum syndical. Plat direct et crème de beaufort soit 100 euros, ou alors, le bistrot de la maison donnant sur le lac, là, c’est la très bonne affaire(menu à partir de 36 euros).

Verdict. Superbe !