Sur la routes des retours: la Chaumière, à Acquigny

IMG_7814La Chaumière, confite dans ses songes

 

 

Pour M, le supplément du Monde, nous sommes partis sur la route des vacances ! Quelle chance !

Il existe des adresses comme celles-ci. Préservées. On a l’impression de survoler un bac de vieux disques, de les ventiler d’un index furtif, lorsque paf, on tombe sur la petite perle. Elle porte l’une des enseignes les plus répandues de France. La Chaumière. C’est à Acquigny (Eure). A la limite, on pourrait faire défiler le film, devançant poncifs, clichés et roue libre. Et ce serait injuste et totalement à côté de la plaque. Car cette chaumière, située non loin de l’axe Paris- Deauville est délicieusement confite dans ses songes. C’est même une très bonne adresse. C’était une épicerie, puis un un cuisinier reprit l’affaire pendant 36 ans. Quant aux nouveaux,  Rémi Gohel et Bernadette (dite « Bernie », anglaise de parents irlandais), ils tiennent les casseroles (surtout elle) depuis 21 ans. Ils se sont rencontrés au Pré Catelan, à Paris. Il lui faisait la cour en lui offrant tous les matins un café noir chaud. Bernie commente sobrement: « il m’a kidnappée ». Depuis lors, grâce à un coup de pouce financier à l’époque d’un ami (Gaston Lenôtre, feu-le grand pâtissier, himself), ils s’épanouissent ici, ont eu deux filles adorables et délivrent une cuisine belle comme le jour. Vous verrez, ce sont de bonnes assiettes, généreuses, débarrassées de tout. Il y a bien une feuille de bourrache plantée dans un citron près de la sole, mais celle ci fait bien la meunière (dorée, rousse). Elle libère un chant parfait. Tout était bon ce jour là, les ris de veau luisant dans la lumière du midi, les asperges tiédies, le faux-filet aux champignons, la terrine de lapin. Il y avait aux cotés de cette dernière, de la laitue. D’habitude, c’est le rôle ingrat par excellence, de faire valoir et de sentinelle neurasthénique. Et là, pas du tout, elle avait la grace, la vinaigrette allègre, le feuillu évocateur et fier. Le repas pouvait donc se dérouler dans le roulis des conversations que seule la Province sait nous offrir. Contrairement à Paris où les paroles sont nappées de musique, de tumulte et de brouhaha, ici c’est clair, dégagé comme un clocher. A la table de derrière, un papa sexagénaire accompagné d’une belle se fait faire un peu la leçon par son fils et sa belle- fille. Le fils tourne autour du pot et puis lui dit: »Ecoute Papa, pense à tes vieux jours, tes enfants, la dolce vita pendant dix ans, ça suffit, non ?! ». Le papa ne répond pas et reprend , muré, un verre de calvados. Autre table, deux vieilles dames ensemble. L’une à l’autre: « T’étais pas née, ma pauvre vieille! ». Ainsi de suite, ponctué de trous normands, de jolies frites en bucher, de desserts scélérats à la chantilly. La lumière est douce, la cheminée ronronne même. L’hiver venu, la Chaumière est réputée par ses viandes cuites à la cheminée et même le homard, rôti façon Michel Guérard. Dans la salle d’entrée, celle du  bar décoré de maïs séché, agrémenté du bulletin paroissial, il y a là un joli bordel (sorry) ponctué de factures entassées, d’invitations à une grande course à pied, de cactus et autres bricoles: une photo du pape François, de Gaston Lenôtre. Bernie passe offrir le champagne à des nouveaux fiancés en terrasse. Au passage elle délivre à son Rémi de mari, une bonne bourrade affectueuse, mais à faire vaciller une armoire normande. Rémi rougit tout en se massant douloureusement l’épaule: « C’est, commente-t- il, une tape amicale irlandaise ».

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Passage à l’acte

Sortir de l’autoroute:  Autoroute de Normandie sortie 18 (Louviers) 105km depuis Paris.  Depuis Caen (154km) A 154 sortie 4 (Acquigny).

Coordonnées GPS. N.49°10’ 22.921’’ E. 1°10’50.039’’.

restaurant la Chaumière, 15 rue Aristide Briand, 27400.Acquigny. Tel.: 02.32.50.20.54. Fermé le mardi et le mercredi.

Parking. Sur la route, des deux côtés. Sinon, parking devant la mairie.

Zzzzzzzzz. Sieste sur le parking du château tout près. Pour dormir, le charmant et tout nouveau Manoir de Surville(www.manoirdesurville.com) chambres d’hôtes (la Roseraie) et au bout de la rue l’Hostellerie d’Acquigny (www.hostellerie-acquigny.fr).

S’élever l’esprit.  A Evreux, l’évêché, abrite la statue en bronze de Jupiter Stator; plusieurs tapisseries d’Aubusson (XIVeme siècle) et peintures et sculptures du XIXemr siècle (Flandrin, Boudin, Rodin, Gérôme).

L’addition: comptez 30-40 euros par personne. Pas de menu

Séjourner: Hostellerie d’ Acquigny

Spécial. La Saint Patrick (la patronne, Bernie, est d’ascendance irlandaise) est ici épique (concerts et cuisine idoine), réservez longtemps à l’avance !

IMG_7811Dommage. Il y aurait quelques chambres au dessus que ce serait un petit bonheur…

  • Laurent
    2 septembre 2016 at 8 h 59 min

    La province (ou les vacances ?) vous réussissent, cher François Simon ! Magnifique série d’articles, qui donnent envie d’avoir envie – ne suivez surtout pas mon regard ! 😀
    Merci beaucoup !

  • Guy de la Rupelle
    9 septembre 2016 at 1 h 08 min

    Ce sont des revues de ce genre qui me plaisent. Car loin, très loin même, parce qu’habiter au Japon parfois on se sent vraiment très loin. Et ce qu’on à lire dans la presse n’est pas très réjouissant. Alors je lis cela et ça me réchauffe le coeur. Ça me donne envie de téléphoner à ma copine qui travaille sur Air France et me trouver une place dans le prochain avion qui partira pour la France. Ça me rassure qu’il y a encore des restaurants comme cela en France, où la table est accueillante, ou on se régale en toute simplicité, et surtout, j’adore ces endroits qui n’ont pas de menu. Le chef qui me rappelle que la cuisine est un art. Qu’il sera inspiré de ce qu’il aura vu chez son boucher ou son maraîcher. C’est désarmant. J’ajoute ce restaurant à mon carnet de bonnes adresses.