Paradoxe de ces lieux cernés par la mer, les habitants s'en détournent. C'est une des grandes phobies insulaires. L'eau. Il aura donc fallu la dolce vita et les touristes pour réconcilier les Capriotes avec les vagues turquoise. Ce fut un constant déluge : Curzio Malaparte, Rainer Maria Rilke, Graham Green, Moravia, Neruda, Lénine, David Beckham, Gorki… Cherchez l'intrus. Il n'y en a pas. Voici donc Capri, cet immense rocher tout en promontoires, menton perché. Un concentré vertical, une sorte d'incantation. Les dieux ne doivent pas être loin. Ils y font la lune rousse et la lumière phénoménale. Elle est partout, se brise sur les verres fumés.
Pour Capri, il y a deux versions. Le rentre-dedans touristique, le côte-à-côte, les caillots de piétons. De l'autre, de l'exquis, du rare, du collector. Pfuit, vous l'avez deviné, si avec Alfredo Levi et Enzo Gramsci, nos capitaines hardis, nous nous levons aux marches du matin, tissons des méditations des heures durant, ce n'est pas pour vous refourguer des cartes postales. Mais du numéroté. Alors, ce sera sans hésitation La Fontelina, « spot » chic de chez snob, notre grain à moudre. Les abords sont admirables. Cessez ainsi de mater les métisses sur les plages matelassées des yachts ; oubliez ce couple s'étreignant sur la peau salée d'un Dinghy gonflable : le regard doit se porter tout là-haut : villa de Malaparte. Si vous avez le référent cinématographique, vous allez connaître un irrésistible frisson. Souvenez-vous : Le Mépris (1963) de Godard, avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli. « Camille, viens, je veux t'apprendre la mer, les roches, les arbres ! »

Pour Capri, il y a deux versions. Le rentre-dedans touristique, le côte-à-côte, les caillots de piétons. De l'autre, de l'exquis, du rare, du collector. Pfuit, vous l'avez deviné, si avec Alfredo Levi et Enzo Gramsci, nos capitaines hardis, nous nous levons aux marches du matin, tissons des méditations des heures durant, ce n'est pas pour vous refourguer des cartes postales. Mais du numéroté. Alors, ce sera sans hésitation La Fontelina, « spot » chic de chez snob, notre grain à moudre. Les abords sont admirables. Cessez ainsi de mater les métisses sur les plages matelassées des yachts ; oubliez ce couple s'étreignant sur la peau salée d'un Dinghy gonflable : le regard doit se porter tout là-haut : villa de Malaparte. Si vous avez le référent cinématographique, vous allez connaître un irrésistible frisson. Souvenez-vous : Le Mépris (1963) de Godard, avec Brigitte Bardot et Michel Piccoli. « Camille, viens, je veux t'apprendre la mer, les roches, les arbres ! »
Du luxe pas très bavard
Le restaurant est juste après. D'admirables pics rocheux constituent les préliminaires. Puis voici l'anse tant admirée. Une flottille extravagante y ondoie ; l'annexe arrive dans un discret panache. En deux minutes, nous touchons l'un des paradis sur terre les plus recherchés. Pas d'ange à l'accueil et, par chance, pas de saint Pierre réclamant les clés de la voiture. Juste des terrasses en étages ; des plages cimentées ; des coins et recoins.
La clientèle est venue ici pour les bains et la table. Voyons voir : admirables silhouettes, tigresses, vermeils argentés, caïmans en écailles de tortue, bêcheuses et donzelles et, pour frotter le tout, comme un gant de crin, le soleil. Le restaurant s'intercale naturellement. Le personnel a la touche parfaite : Birkenstock aux pieds, pantalon de cotonnade blanc, chemise chambrée (avec fil flambé) bleu indigo. La clientèle reste dans le sillage avec la traditionnelle ample chemise blanche, de jolies cotonnades à imprimé Liberty. Parfois, un minuscule Bikini rappelle que dans les années 1960, ici, la mode flambait en vert citron, larges pantalons, soieries à motif floral, rose vif, orange électrique et immenses lunettes de soleil.
Là encore, le luxe se veut moins bavard. Il est calme et ne moufte pas, comme si un drone du fisc allait survoler le site d'un instant à l'autre. Finis les caftans Missoni Mare et leurs rayures multicolores. Le luxe, Madame, Monsieur, a disparu des lieux luxueux. Comment pour autant reconnaître ce dernier ? Ce n'est pas trop difficile. La tessiture des voix, le grain de la peau (son lissé sans souci), et puis, comme d'hab, le maintien étiré par un prof privé de Pilates, c'est aussi simple.
Pour le reste, les nourritures font comme le skieur nautique. Elles se laissent tirer. Pâtes à la poutargue (de thon, cette fois-ci) un tantinet discrète dans le relevé, spaghettis alle vongole au cordeau, une création du jour vicieuse à souhait (aubergines caramélisées renfermant pâtes et tomates) pour terminer avec unaffogato au café impressionnant de netteté. Avec un verre de vin blanc bien glacé, on voit le monde différemment. C'est sans doute l'oreille qui va chercher plus loin : au-delà du babil paisible, les infrabasses des moteurs tournoyants. C'est le nez qui essaie de localiser un autre sillage, celui des crèmes solaires et des algues méditerranéennes. Et puis, il y a toujours ce soleil. On le veut presque littéraire, celui d'un Albert Camus dansL'Étranger. Il nous emmènerait au-delà des « sommeils innocents », dans un ailleurs poncé. Il nous emporterait loin en nous, le temps d'une rêverie, pour nous redéposer sur la serviette éponge. « Quand il m'arrive quelque chose, pour le citer, je préfère être là. »

La clientèle est venue ici pour les bains et la table. Voyons voir : admirables silhouettes, tigresses, vermeils argentés, caïmans en écailles de tortue, bêcheuses et donzelles et, pour frotter le tout, comme un gant de crin, le soleil. Le restaurant s'intercale naturellement. Le personnel a la touche parfaite : Birkenstock aux pieds, pantalon de cotonnade blanc, chemise chambrée (avec fil flambé) bleu indigo. La clientèle reste dans le sillage avec la traditionnelle ample chemise blanche, de jolies cotonnades à imprimé Liberty. Parfois, un minuscule Bikini rappelle que dans les années 1960, ici, la mode flambait en vert citron, larges pantalons, soieries à motif floral, rose vif, orange électrique et immenses lunettes de soleil.
Là encore, le luxe se veut moins bavard. Il est calme et ne moufte pas, comme si un drone du fisc allait survoler le site d'un instant à l'autre. Finis les caftans Missoni Mare et leurs rayures multicolores. Le luxe, Madame, Monsieur, a disparu des lieux luxueux. Comment pour autant reconnaître ce dernier ? Ce n'est pas trop difficile. La tessiture des voix, le grain de la peau (son lissé sans souci), et puis, comme d'hab, le maintien étiré par un prof privé de Pilates, c'est aussi simple.
Pour le reste, les nourritures font comme le skieur nautique. Elles se laissent tirer. Pâtes à la poutargue (de thon, cette fois-ci) un tantinet discrète dans le relevé, spaghettis alle vongole au cordeau, une création du jour vicieuse à souhait (aubergines caramélisées renfermant pâtes et tomates) pour terminer avec unaffogato au café impressionnant de netteté. Avec un verre de vin blanc bien glacé, on voit le monde différemment. C'est sans doute l'oreille qui va chercher plus loin : au-delà du babil paisible, les infrabasses des moteurs tournoyants. C'est le nez qui essaie de localiser un autre sillage, celui des crèmes solaires et des algues méditerranéennes. Et puis, il y a toujours ce soleil. On le veut presque littéraire, celui d'un Albert Camus dansL'Étranger. Il nous emmènerait au-delà des « sommeils innocents », dans un ailleurs poncé. Il nous emporterait loin en nous, le temps d'une rêverie, pour nous redéposer sur la serviette éponge. « Quand il m'arrive quelque chose, pour le citer, je préfère être là. »
Francois
13 septembre 2013 at 10 h 29 minBonjour,
Merci pour votre article, que j’ai pu lire dans le Figaro de cet été, avant de partir en vacances!
Grâce à cela, nous avons trouvé notre petit coin de paradis et de tranquilité, loin des touristes bruyants de l’île…
Pour avoir goûté les spaghettis alle vongole et l’affogato au café, nous ne pouvons que confirmer : vraiment du bonheur!
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27 septembre 2013 at 11 h 59 minSimon Says – Summer boat trip: A Capri, la Fontelina et son extravagance caramélisée