Spring, le supplice de Tantale

Paris, Spring, cuisine

Ils sont impayables, intouchables. On tente d’y réserver, chaque fois, on s’y brise les dents. Pourtant, tout le monde en parle dans les magazines. On y a dîné brillamment, l’assemblée ronronnait de bonheur, les mets étaient portés avec intelligence et modernité. Aussitôt, on a tenté sa chance. Pfuit, quelle impudence, quelle audace ! Qu’alliez-vous penser de la sorte ? De la place ? Mais mon pauvre lapin, c’est complet jusqu’à la fin de ta race. Être en liste d’attente, à la rigueur, mais il y a un autocar plein devant. La gastronomie est souvent ainsi. À la limite, vous aurez un peu de chance au Noma, à Copenhague : sa mésaventure avec l’hygiène a dû dégager quelques strapontins. Mais pour le reste, ceinture.
Paris, Spring, table neige016570
Pourtant avec patience et chance, qui sait, on peut accéder au saint des saints en appuyant aux bons endroits. Il y a des malins dont la vertu est la fidélité. Ils vont souvent dans ces restaurants et, du coup, lorsqu’ils passent plusieurs jours auparavant, en poussant la porte avec leur bon sourire, ils décrochent la table convoitée. C’est ainsi que j’ai pu découvrir le repaire de Daniel Rose, Spring, à Paris. Autant dire que je me suis pincé quinze fois avant de me signer et d’entrer. C’est comment alors ?! La cuisine trône au milieu de la salle. Derrière officie une équipe sexy et ardente : « Oyster ! Oyster ! Oyster ! », scande cette jeune fille comme dans un orchestre de mambo. Le maître des lieux opine du bonnet. Il mixe sa cuisine, les yeux sur la salle, les mains dans ses assiettes. L’assemblée est constituée de ravis, de sacrés malins, de super foodies aux épidermes nacrés de reconnaissance. Ils bruissent avec cette élégance propre aux privilégiés, cette aisance lasse et débordée. Ils ont la case, la carte, le ticket. Un rêve. Et l’assiette dans ce tumulte soyeux ? Sachez qu’elle est du même métal. Drôlement bonne, à l’instar de cette sole « Bernard Bos » swinguant entre classicisme et modernité : sole donc, homard, céleri, vinaigre de gingembre. Bon sang, quelle fusée éclairante ! C’est cinglant, dépouillé, presque monosyllabique : agneau/ris d’agneau… Le service est ailé, les vins bigrement associatifs. Prix de belle volée également mais présentables. Difficile alors de ne pas hautement recommander cet endroit. Les tabernacles ont des serrures indulgentes. Passez au restaurant, montrez votre bonne bouille, il y a toujours de la place au paradis pour les croyants.
Paris, spring, sole

Spring, 6, rue Bailleul, Paris Ier. Tél. : 01 45 96 05 72. Comptez 100 eur par personne. Photos FS. Du mardi au samedi.

 
  • Cyril
    21 mai 2013 at 17 h 42 min

    Bonjour,
    J’y suis allé l’an dernier et la cuisine est effectivement de haut niveau.
    Seuls regrets : la clientèle composée, ce soir là, d’américains, hurlant à chaque plat (et il y en a beaucoup) que c’est « INCREDIBLE » « MARVELOUS » « I LOVE CHEESE ». Une vrai caricature.
    Autre regret, les serveurs qui s’adressent d’emblée à vous en anglais et qui semblent surpris que vous parliez français…