
Il y a comme cela des nouvelles qui vous laissent un goût amer dans la bouche. Certainement pas celui de la salade de homard bleu, de gorges de pigeonneaux et pourpier aux truffes, mais l’annonce du dépôt de bilan de la maison Chapel à Mionnay (01). La maison devait rouvrir ses portes début février mais elle ne le fera point. < Personne ne vient à Mionnay pour prendre un bain de soleil, constatait amusé Alain Chapel, écouter Karajan ou acheter la jouvence de l’abbé Souris >. Les gens venaient pour une cuisine incroyable de netteté et de vision. Alain Chapel foudroyé par un infarctus en 1990, à l’age de 53 ans, avait été le sphinx de sa génération. Une sorte de bouddha pensif, espiègle et souriant. Il rayonnait par une réelle discrétion, contrastant avec notre époque où, en un sourire, et une mèche vagabonde, on devient une star. Les discrets sont dorénavant démonétisés. Ils ne valent plus tripette.
Qui connaît Chapel ? Déjà, il y a tous les chefs avec à leur tête Alain Ducasse qui s’en est toujours réclamé ; Joël Robuchon également et puis toute une superbe ribambelle parmi lesquels, Gérard Besson, Jany Gleize, Dominique le Stanc, Laurent Pourcel. Il y a les clients aussi qui ressortaient de cette auberge confortable, des petites fleurs dans les yeux. Écoutez ces intitulés, ils sont à la fois poétiques, superbes et vous baignent le bec : poulette de Bresse en vessie ; des jeunes légumes et une sauce légère au foie gras ; rognon de veau rôti dans sa graisse ; gelée de pigeonneau. On aurait voulu garder encore longtemps cette adresse. Que personne ne touche à ce vaisseau spatial. Qu’on continue à rédiger les additions à la main, à presser les fruits du petit-déjeuner, servir les vins blancs trop chambrés, souhaiter bon appétit et poser à la fin l’euphonique rituel « Ça a été ? ». On aurait voulu s’enfermer encore dans le restaurant, réclamer des crèmes et des laitages, des prairies à l’herbe douce, Salvatore Adamo. Henri Gault eut des larmes sur son gâteau aux foies blonds.
Mais le siècle est impitoyable avec les rêveurs. Malgré la présence de Philippe Jousse présent depuis 1982, et de Suzanne Chapel, la maison perd sa troisième étoile. Quelques années plus tard, David Chapel, en salle, puis son frère, Roman en cuisine, rentrent à la maison avec, toujours fidèle aux fourneaux, Philippe Jousse. Suzanne se retire alors et laisse ses deux enfants reprendre le flambeau. C’est une nouvelle triste, mais il y a cependant quelque chose de troublant. on entendra très longtemps encore la voix grave d’Alain Chapel s’interroger : : « Pourquoi je me complique la vie à faire un feuilleté d’asperges alors qu’elles sont admirables tout simplement pochées ? ».

Hervé
6 février 2012 at 16 h 00 minCa fait ch…. pour cette belle maison, ce gd cuisinier, ces deux freres courageux,ce fidèle et gd cuisinier Mr Jousse. Ainsi va la vie. Rv(TOURS)
Jean-Louis
6 février 2012 at 18 h 05 minBonsoir,
Un des plus grands moments de ma vie dans cette maison….l’évolution de la société n’est pas faite pour les travailleurs honnêtes, Pinault a des étoiles, Chapel laisse des étoiles d plaisir. Espérons que ces descendants pourront rester dabs leurs murs pour faire un bistrot de qualité et que les chroniqueurs et les prescripteurs comprennent que les bons moments passés méritent de temps en temps un peu de communication sincère. Pourquoi attendre la catastrophe pour parler d’une maison qui restera le plus havre de paix du palais et de la création. Alain Chapel,a vite compris, là haut il doit être en pleurs et nous envoie la neige.
ménager frédéric
6 février 2012 at 18 h 29 minIl aurait fallu y aller manger surtout!!!
Martine Vatel-Toudire
6 février 2012 at 21 h 30 minOui c’est vraiment triste, d’autant que Romain et David Chapel, et Philippe Jousse bien sûr, n’avaient pas démérité, loin de là. Une de mes tables préférées.
a.o.
7 février 2012 at 7 h 35 minAlain Chapel est décédé il y a déjà plusieurs années.
A mon avis, il est donc normal que le restaurant « Alain Chapel » ferme ses portes.
ménager frédéric
7 février 2012 at 17 h 34 minPas gonflé le commentaire précédent!!! Anonyme bien entendu!!! Quelle honte…
a.o.
8 février 2012 at 8 h 02 min@ Menager Frederic : au lieu de monter sur vos grands chevaux donnez vous donc la peine de lire convenablement mon commentaire.
Jean-Louis
8 février 2012 at 10 h 39 minPour Martin-Vattel,
Les 600 kms que j’ai effectués plusieurs fois pour aller y manger, auraient pu aussi être faits par quelques prescripteurs.Donc, je n’ai pas de conseils ni à donner ni à recevoir.
Belle journée
ménager frédéric
8 février 2012 at 23 h 10 min@anonyme, merci de me le faire remarquer…
Perso, j’ai été second de cuisine chez Chapel, je suis très touché… C’est un peu ma famille culinaire…
emmanuelle
4 mars 2012 at 13 h 15 minmouais, une des meilleures tables françaises qui ferme. C’est triste, trop triste. Bien sûr qu’ils vont rebondir et faire un top bistrot ; à Paris ou à Lyon mais la Dombes, Ah la Dombes!