Sacrée soirée au Professore…

Paris, Professore, facade

On oublie bien souvent qu’un plat ne se limite pas au disque
de l’assiette. C’est incroyable le nombre de paramètres qui viennent se
chamailler pour prendre part au festin final. Le montant de l’addition, le déodorant
du serveur, le croustillant du pain, la propreté de la vitrine…Pfuit, c’est à
vous décourager d’ouvrir un restaurant. Pourtant, tous les jours il en est qui
ouvre. Et d’autres qui ferment. 
Dans ce genre de construction savante, on ne pense pas à tout. Notamment
à l’oreille. Celle-ci reste toujours un puissant révélateur. Elle peut vous
fracasser une douce soirée, enjoliver un instant banal. Certains restaurants
ont l’art de tisser ce genre de toile élégante, soyeuse. Parfois même la bande
son est incroyablement bien jouée. Des mots fusent. Ils sont presque inédits,
rares, et traversent le restaurant comme le galet d’un ricochet. S’y étreignent
des diphtongues, des nasales, des phonèmes, des veloutés.  Cela se passe souvent en Province
(comme on dit à Paris), là où le temps à une fluidité, un ralenti. Dans
certaines tables bourgeoises, c’est quasiment du papier vélin, cuir de Cordoue,
numéroté à l’or fin.

 
Paris, Professore, salle rue
Ce soir-là,
dans un nouveau restaurant à la mode de Paris, du Xeme parisien, tout était
réuni. La décoration savamment dosée, l’éclairage et ses pénombres au
cordeau ; le service si gentil avec l’accent italien ;le bar du fond.
Et même l’assiette. On avait demandé une table tranquille, presque à l’écart.
C’est avec une volupté sans fin qu’elle nous fut présentée. Las, un troupeau de
puces aurait dû nous venir aux oreilles. Il y avait là, tout à côté, une sacrée
longue table vide. Logiquement dans ce genre de configuration, on devrait
immédiatement enclencher la marche arrière, mettre le bras sur le dossier et
zou, partir les yeux grands ouverts, les tempes battantes. Mais parfois, on a
ses propres lâchetés. Tout va bien se passer, la vie est belle, l’humanité
complice.
Paris, professoore, tablééé

 Patatras, de
solides gaillards arrivent. Assez civilisés au demeurant (style double garage
et enfants peignés)  mais à
l’embonpoint américain et au verbe sonore. La soirée était entrain de décoller,
c’était clair. On roulait 
tranquillement dans un clapotis de pneumatiques, lorsque le restaurant
s’immobilisa. Les moteurs se mirent à rugir. L’envol fut extrêmement violent.
On est alors collé au fauteuil, on tient les accoudoirs, supplie les dieux
qu’on nous laisse encore en paix. Mais c’est trop tard, les gaillards (une
bonne douzaine) mirent tout le kérosène au fond de verres à cocktail. En trois
minutes, le paysage était dévasté. Trois tablées avaient déjà demandé l’asile
politique près du bar pendant que les turbines passaient la trentième vitesse.
Ce ne fut plus qu’un brouhaha, un autobus ravageant un chant de luzerne. La
soirée était en vrac, au fond du fossé. 

Le pire restait à venir. Lorsque le lendemain, je racontais
ce pénible incident, on me rit au nez. <Mais qu’est ce que tu crois, mon
petit lapin, c’est ça un bistrot, un endroit à la mode ! ». C’est
comme si une deuxième valise m’était tombée sur le crâne du coffre à bagages.

Y a t il une morale à cette histoire ? Ben, non.

  • HSCAPDEVILLE
    10 octobre 2013 at 11 h 17 min

    Même mésaventure au 6,PAUL BERT avec 10/12 jeunes américaines ……diner gâché!

  • Nina
    10 octobre 2013 at 11 h 19 min

    j’ai suivi les discussions sur La Nuit et ses Lancinements, effectivement Isa et Denis ont raison de moins en moins interessant le blog et de moins en moins de commentaires, on ne peu être et avoir été

  • Adam
    10 octobre 2013 at 11 h 22 min

    on se lasse de tout, tout lasse tout passe et le talent s’envole, on a besoin du nouveau du frais on a besoin d’autres choses

  • Pili Simon
    10 octobre 2013 at 14 h 25 min

    Ah les tromblons de la fête ! Je ne peux que te remercier, François, de faire cette remarque si juste. Le bruit au restaurant est une calamité. À Copenhague se trouve un restaurant ou les clients mangent…..en silence.
    À essayer absolument. Les sens n’y sont que décuplés. Mais chut! Il faut le dire sans bruit 🙂

  • antonio d'avila
    11 octobre 2013 at 16 h 25 min

    bonjour, j’accompagne votre blog depuis le Brésil.
    Voici um petit repas entre amis à Rio.
    /Users/antoniodavila/Desktop/LUNCH255.pdf

  • Greg
    11 octobre 2013 at 17 h 09 min

    et la nourriture ?