Rungis. Le Troquet en pole

Rugissant

Curieusement, Rungis n’a jamais eu une grosse réputation question restaurants. C’était plutôt du genre chaussures pour cordonniers: mal ficelées, envoyées à la va que j’te, sans vraiment d’âme à part le néon, l’adrénaline locale, la testostérones en geyser. Mais depuis quelques mois, les curseurs se sont déplacés avec l’advenue de Christian Etchebest inaugurant ici son cinquième bistrot. Pas évident non plus de ramener sa fraise dans un monde revenu de tout, et sensible à la qualité; le paradoxe ici ayant les reins solides. S’agit donc  d’être aux taquets, envoyer du carré, avec générosité et savoir faire. Vite, chaud et frais.  Et visiblement Etchebest, secondé ici par Stéphane Bertignac (ex- Pavillon Ledoyen, époque Le Squer), sait de quoi il cause. Du reste, il suffit de voir ce dernier s’agiter en cuisine avec force et rondeur, taper dans ses mains lorsque les assiettes tardent trop au passe-plat. Comme s’il y avait une impatience à en découdre, rentrer dans le buffet, aller au devant des appétits. Il n’a pas tort du reste. Il sait plus que tout le monde que la durée de vie d’un plat est très courte. Dans les trois minutes. Il entame alors sa phase de descente, les températures baissent, la cuisson continue cependant, l’allant s’émousse, le mouvement même d’un plat s’amenuise. Après, il sera trop tard: la salade s’affaisera, le poisson commencera à faire la gueule, la viande la tronche . Voila pourquoi, lorsque les asperges ou encore les saint jacques sont arrivées sur la table, il y avait toute la vigueur d’une cuisine battante, vivante, heureuse pour tout dire d’être là, bien dans son assiette. On réalise alors qu’un restaurant vibre comme un instrument de musique lorsque l’unisson fonctionne: les conversations des clients, leur allégresse, la fluidité du service (ici nickel dans son timing express), la nature des lieux (Rungis et ses rugissements). C’est même un vrai plaisir de voir tout cliqueter allégrement, en douceur et en profondeur. Pas de stress, ni d’acidités dans les échanges, juste le bourdonnement d’une population lévée aux aurores, terminant  une longue nuit âpre, rêche, où tout le monde fonce histoire d’éviter les bouchons du retour (ça débute à 6h30). Mille feuille cristalin pour le final, addition prévisible, sans douceur ni trop de profondeur. A 15h, Rungis semble une ville morte, lourde de sommeil, comme un vieux chien éréinté.

La Cantine du Troquet Rungis, Avenue des Savoies, Rungis 94150. Tel.: 01-41-80-96-18. www.lacantinedutroquet.com

Fermé le samedi et le dimanche. Non-stop de 6h à 15h.

Décibels. Au déjeuner, ça rugit allègrement 77db

Mercure: Ambiance estivale: 20°c

L’addition. Comptez 40 euros, n’oubliez pas les 11euros de péage, possibilité d’avoir des entrées gratuites au restaurant.

Minimum syndical. un plat direct,  pièce de boeuf 300 g 26€.

Verdict. On peut y aller en tram, c’est pas mal du tout !