Ruhr, un week end en acier

Allemagne 
  
Allez, ce n'est pas tous les jours Capri et Kyoto, un peu de ruines et de spleen secoué dans un shaker rouillé, ça vous dirait ?

3h15 jusqu’à Cologne, vous verrez au bout  d’un (certain) moment, ça vient. Quoi donc ? La poésie industrielle, ferroviaire. Vous vous retournerez sur un boulon année Trente, une rampe de caillassage, un gazomètre. Même un chantier de gare où sont empilés des tuyaux blancs sous des cieux anthracites, un soleil perçant comme une foreuse. Ça prend un certain temps certes, mais ça vient. Inutile de dire que malgré mes suppliques, il n’y eut personne pour m’accompagner pour un week-end romantique dans la Ruhr. Vous avez bien lu, dans la Ruhr. Mais attention, ce n’est plus vraiment le paysage apocalyptique de nœuds d’autoroutes, de tubulures de raffineries, de cheminées écumantes de pollution souveraine. Tout cela est fini, il n’y a que les baraques de curry wurst qui arborent des fumées lourdes, le reste c’est du passé. Depuis 1986, la Ruhr a cessé de tousser et de cracher. Le pays s’est reconverti et marche, légèrement groggy, dans ce paysage de défenestrés. Habilement, on a réuni ce caillot de villes  (Dortmund, Essen, Duisburg, Bochum) souvent atones en un conglomérat fier au front haut, Ruhr métropol, soit 53 villes et 5,3 millions d’habitants et canonnant à travers ses 19 universités, 100 salles de concert, 120 théâtres et plus de 200 musées, 2500 manifestations pour l’année prochaine, car 2010 va voir la Ruhr consacrée capitale européenne de la culture.

Les carreaux de mine sont devenus des places d’honneur et n’importe quel bout d’escalier de fer prend des allures de penseurs,  des hauts-fourneaux resplendissent comme des BHL. C’en est bizarre, désarmant. C’est certain vous ne risquez pas de rencontrer votre besoin de palier, n’y même de rue, peut être n’y avait il aucun Français ce jour là dans le zeche Zollberein d’Essen (site inscrit dans le patrimoine de l’humanité). L’escalator orange posé en oblige par Rem Koolhaas égaie ce paysage post troisième guerre mondiale. C’est formidablement lugubre, le soir on doit avoir les chocottes lorsque les ténèbres viennent fouiller les taillis et l’acier épuisé. Ruhr metropol est en fait une immense flaque asséchée, la nature se met à rejouer à envahir le terrain, bientôt elle viendra lécher les passerelles. Pour les manger  probablement dans une vie que nous ne connaîtrons pas. On en vient à secrètement à désirer cette revanche. Et qui sait à ce rythme, on reviendra en peau de vache Prada et massue LVMH dans cet endroit qui abrite un nom qui doit vous êtres familier :  Neandertahl.

(photos F.Simon). La video bientôt sur Direct 8

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  • Gould
    21 décembre 2009 at 9 h 39 min

    BHL, Prada, LVMH… Résolution 2010 : moins de name dropping please 😉

  • Sunny Side
    22 décembre 2009 at 11 h 09 min

    Même la Ruhr est « désarmante » …

  • Pascal
    3 janvier 2010 at 15 h 58 min

    Comment, personne pour vous accompagner ? Mais pourquoi ne m’avez-vous pas demandé ? En plus, je parle allemand ! ;-))
    Bon, la prochaine fois, demandez-moi, je dirai oui… surtout si c’est pour Kyôto. Ou même Düsseldorf, première ville japonaise d’Allemagne.
    D’autant que l’Allemagne, après avoir plus ou moins évacué sa honte et sa culpabilité, est en train de (re)développer une gastronomie et un art de vivre. A sa façon, avec discrétion et simplicité.
    Quant à la Ruhr, on peut lui trouver une poésie, à l’image des photos de Bernd et Hilla Becher.