Réveillon, oups, missile en vue !!!

Gstaad, sommet, caviar

 
Dans quelques heures, la France entière basculera dans une nouvelle année. Cela pourrait n’être qu’une simple affaire de calendrier, mais là où ça se corse, c’est que l’affaire est lourde de sens et de promesses. On appelle cela un rituel ou si vous préférez, le réveillon.
 
Cessez de faire l’autruche, de papillonner des yeux, la trace blanche qui se profile tout là-bas, à la surface de l’eau, s’appelle un missile. Vous voyez juste l’aileron mais en dessous, c’est de la dynamite. Si vous n’y prenez pas garde, l’engin va vous péter au nez, à moins… À moins que vous n’actionniez immédiatement un petit drone ; la bestiole va vite vous neutraliser la menace, sécuriser les heures à venir. Ce qui était une engeance, un calvaire, une corvée, peut devenir un pur moment de magie. Vous ne nous croyez pas ? Alors, filez sur une autre page consulter les petites annonces et les programmes télé. Quant à ceux qui ont l’indulgence de rester au-dessus de ces lignes, ouvrez bien vos yeux, vous allez être récompensé par ces quelques gestes de survie…
 
1 Inutile de faire un régime
Primo, c’est trop tard. Deuzio, vous allez assécher la place, creuser votre appétit avec la garantie de défoncer le buffet dès 19 heures. Non seulement vous allez consterner vos derniers amis, mais, qui plus est, vous allez risquer l’étranglement, quelques ballonnements et autres rétrocourants d’air des plus disgracieux. Ce qui n’est pas du tout élégant. Inversez plutôt les machines et devancez le tir. Faites une vraie collation avant le dîner : un thé, quelques biscuits secs, une pomme ou même un jus de carotte, pomme, gingembre. Buvez de l’eau. Si bien que lorsque la tornade se pointera, vous serez en ciré, bottes de marin et caoutchouté de la tête au pied, le bec impec et l’estomac au pied.
 
2 Jouez-la mono
Sincèrement, est-ce vraiment charitable vis-à-vis de vos amis de leur servir apéro, foie gras, huîtres, chapon, fromages et bûche glacée ? Réveillez-vous, cela date du XX e  siècle ! De puis, on a réalisé qu’on a un joli corps, vif, souple et qui sait faire des prodiges. Le lester de la sorte nous condamne à une vie bovine, l’œil bas, le nez discutable et les bonnes manières envolées. Cette année, faite simple et sain et même, si vous le décidez, drôlement bon.
  Blinis 2
3 Mono, mais encore ?
Juste une volaille rôtie, par exemple, avec une superbe salade de mâche (huile d’olive, citron, un peu de confiture ou de miel). Même pas d’entrée. Direct à table. Ensuite, pour les affamés, fromages et un dessert plaisant, surtout pas trop lourd. Et ceux qui ont encore faim, vous les enfermez dans la cuisine avec une terrine de foie gras et pain grillé. S’ils couinent encore, mijotez-leur une barre de Mars frit ou alors, plus simple, ­appelez le Samu, sous prétexte de ­défenestration intérieure. Autre solution, un soudain baiser sur la bouche peut les libérer de leur bunker de saindoux.
 
4 Pas d’apéro
Sincèrement, le kir royal et autres turpitudes sont les tue-l’amour de la table. Ils vous saccagent l’appétit, défoncent le palais, font virer de l’œil l’estomac. La convention de Genève devrait interdire ce genre de pratique. Champagne à ceux qui arrivent ou vin blanc gracile, quelques légumes crus disséminés çà et là pour occuper le bec, puis direct à table. On évitera l’entrée qui souvent préambule dans les fadaises pour attaquer frontalement ce moment convivial.
 
5 Faites-vous aider
Certes, depuis tout(e) petit(e), vous aspirez à être béatifié(e), voire sanctifié(e) ; ce qui reste louable (la liste d’attente est au demeurant fort encombrée). Mais est-il vraiment nécessaire de vous cogner tout le boulot ? Avec un peu de diplomatie ou de chantage approprié, on peut vite fait neutraliser un neveu ou une nièce ayant plusieurs fois déjoué le contrôle parental, et les condamner avec tact et fermeté à quelques travaux forcés, en échange de votre silence.
 
6 Fromages ou dessert ?
Humm, la tentation serait de faire l’impasse sur les premiers, mais il y a peut-être un coup à jouer, ­histoire de déminer ce dilemme. Mettez un plateau de fromages à proximité, et logiquement, si vous tenez correctement l’assemblée, à part quelques malotrus ayant abusé des flacons, tout devrait bien se passer ; ces fâcheux n’ayant point vu la muleta s’agiter auront achevé leur réputation. L’opprobre devrait vous les carboniser quelques instants. Récupérables ­cependant pour le chapitre 9 ; s’ils ont la vue courte, vous avez la mémoire longue.
 
7 Foie gras, faut-il ?
Là-dessus, pas de religion. C’est presque devenu rebelle que de servir ce missile nucléaire à fragmentation calorique. C’est au bord d’être kitsch, bientôt, on s’esclaffera de le voir apparaître à table. En 2020, il sera vendu avec la mention « Manger tue ». Raison de plus sans doute pour le servir. Je serais presque tenté d’en faire le plat unique ! Si, si. On attaque avec un somptueux champagne ou un beau bordeaux (ou ce que vous aimez : ­sauternes, vendanges tardives, toscan, californien, Champomy, vodka), pain de campagne grillé, superbe poivre du moulin, fleur de sel, bougies et pof ! c’est parfait, salade en appoint, mandarine, desserts… Le tour est joué, pour un peu on vous baiserait les pieds.
 
8 Légumes
Ça aussi, c’est tentant. En ce moment, il n’y en a que pour eux. Avec leurs airs de fayoter, ils sont devenus les rois. Raison de plus pour les mettre au boulot. Grillés au four, burrata en appoint diabolique… On peut en faire un dîner avec, en coup de massue paradoxal, un dessert bien plombant. Ça, ça peut le faire.
  Paris, Kei, composition legumes
9 Blitzkrieg, la maison en vrac
On a été admirable, gentil, prévenant, déesse à huit bras, diplomate aux nerfs d’acier, mais est-ce une raison pour qu’on vous laisse votre demeure ­comme un chant de mine ? C’est le moment de faire un odieux chantage sur les plus faibles (à cette heure, leur nombre augmente) et les mettre ­discrètement aux travaux forcés pendant que, pénard et désinvolte, vous dégusterez une coupe de champagne ultra méritée. Haute satisfaction ­garantie, surtout si on l’a planquée devant la razzia. Faire mine d’aider, histoire de galvaniser vos troupes. On peut également embaucher la fille de la concierge pour ratisser, en veillant bien à ce que ces messieurs la laissent en paix.
 
10 Comment terminer en beauté
Jusque-là vous avez été parfait(e) et digne d’éloge. Il reste cependant le moment délicat de la soirée ; le final. S’il est simple d’ouvrir la porte et de chavirer de félicité, c’est une autre paire de manches que de poser le point final. Le petit cadeau très personnalisé glissé dans la poche ou dans les mains, une réelle attention, l’expression d’un sentiment : c’est le moment. Si vous avez été sincère, logiquement, ce geste devrait vous emballer la soirée et ouvrir 2014 ­galvanisé par ces instants. Chiche ? Pour ma part, enregistrement d’un chant de Noël façon distroy Alan Vega, numéroté et offert aux amis. Maintenant, c’est à vous. Personnellement, je file me planquer avant que ça ne saute
  • Pierre.
    1 janvier 2014 at 8 h 47 min

    Cher François Simon,
    Meilleurs vœux, et merci pour vos avis, conseils et vision des choses. Une qualité chez vous que je vois rarement signalée (à ma connaissance): la qualité de vos prises de vue et le maniement soigné de la caméra !
    Très cordialement,
    Pierre.

  • Ratatouille
    1 janvier 2014 at 12 h 59 min

    11 « Un chant de Noël façon distroy Alan Vega, numéroté » pour un fidèle du blog?
    Une belle année 2014 !
    Marc

  • Lukas
    21 janvier 2014 at 16 h 22 min

    J’arrive après la bataille. Quel beau billet, plein de bon sens et d’amour de bien manger. L’idée du mono, c’est évident et lumineux.