Paris. Le Voltaire, le passé est de retour…

(gratiné)

Exif_JPEG_PICTURE

Pour un peu, en tendant l’oreille, on entendrait grincer les boiseries du Voltaire, table légendaire amarrée sur le quai du même nom, à Paris. Du reste, il y a du vaisseau dans cette table qui pourrait prendre le large, en glissant discrètement vers les berges de la Seine. Mais cette frégate, cette goélette , se contente de naviguer avec hauteur sur une mer étale en ce déjeuner de décembre. Les clients se sont quelque peu égayés, fiscalité oblige, et les jolies fortunes attendent quelques encouragements pour rappliquer. Du reste à une table voisine, on a le verbe haut et les formules ciselées: « entre Suisses, on peut se faire confiance ». C’est un peu cela, le Voltaire, une sorte d’entre soi cossu, où les choses vont de soi. A l’image d’une carte immuable, lettres penchées, et surtout les armoiries insolentes d’un menu à prix saignants, cet oeuf mayonnaise « James » à 90 centimes, comme un pied de cynique aux autres plats avançant sans complexe à prix marteau. La sole meunière à 62 euros, le steak tartare à 48 euros, cela fait cher le gaz.. C’est un peu le chic de cet endroit qui vient le changer de mains. Là aussi, on a y vu que du feu. Cela se passa si discrètement entre la famille Picot    , présente depuis trois générations, et deux associés (MM Garoust et Veizis) que bien malin celui qui pourrait, pour l’instant, déceler le moindre changement. La carte a été réécrite, mais le cuistot est toujours là. Ainsi que le service débonnaire, se faisant discrètement des blagounettes, hors des yeux de la clientèle. Si cette dernière vient ici, c’est précisément pour s’assurer que rien ne change, que le monde d’aujourd’hui est encore celui d’hier. Que Madame Tussaud pourrait y déposer des figures de cire, sans que personne ne s’interpose. Cuisine du même conservatisme donc, de « grand mère » si celle de la clientèle ne la fit jamais, bourgeoise pour tout dire. Donc d’actualité. L’oeuf mayo n’est pas chiche, la sole meunière est dorée à souhait, gentiment grassouillette (un peu trop). Les pommes allumettes arrivent en tumulus généreux; les purées de pomme de terre, de carotte revendiquent une banalité rassurante. Tout est là, même les radis de bienvenue, les boxes tamisés et les tables en vue. On s’identifie vite de table en table, Paris s’écoule dehors en rafales de voitures ralenties. En fait, c’est une vieille France brouillant à souhaits les radars avec des irruptions de personnages en tous genres. Les têtes connues (ce jour là, Roland Dumas commentant très fort les déboires de Juppé) mais aussi un forban mal rasé et catogan. Goélette, nous vous disions….

Exif_JPEG_PICTURE

Place de choix: Dans les boxes au fond, c’est le rêve, sinon un peu partout.

Dommage: les prix cinglants.

A emporter. Quelques images de ce lieu rare de Paris, et surtout ne pas oublier d’écouter les conversations voisines, elles sont de très belle qualité.

Le Voltaire, 27, quai Voltaire, Paris 7e. Tél. : 01-42-61-17-49. Fermé dimanche et lundi.

Mercure: aux ordres: 20°c.

Décibels: 77db, le bruissement mondain, avec quelques éclats de mots (85db).

L’addition. Oh celle là, elle n’est pas piquée des hannetons: facile au dessus des 100 euros par personne;

Minimum syndical: l’oeuf mayo à 90 centimes et des quenelles de turbot sauvage à 42 euros.

Verdict. Violent, mais dispensable.