Pierre Touitou a 22 ans. A cet âge, bien souvent des chefs ont déjà fait le tour le monde. Ou presque. Accumulé six années d’expériences, après l’école Ferrandi. C’est son cas. Sketch (Gagnaire) à Londres, Plaza Athénée (Ducasse) à Paris, Kei, l’Uruguay (Mostrador Santa Teresita), Servant, les Deux Amis…Après cela, on regarde le bout de ses chaussures. Qu’a t on appris? Tout et rien. On est presque effrayé par ce bazar, ces épices, ces rugissements, ces fulgurances, ces injonctions. L’horizon s’abaisse lentement. On sait alors ce que l’on veut. Alors voici une cuisine qui sort de sa gangue, encore fragile, la voix à peine posée, les mots rares et bruts. Il faudra donc y aller sur la pointe des pieds, ne point réclamer le chant du coq, le roulement de tambour sur la poitrine et des cris de Huns. Non, un chant pastoral fait de consommé de fenouil, d’asperges, de bonite/brocoli, d’un turbot hissé de l’océan…Les intitulés ne font à peine une demi ligne. Les plats semblent avancer de façon virginal, en aube, à partager, à tâtons. Pierre Touitou a même placé dans un coin une photo de sa grand mère (Odette Touitou), grande cuisinière tunisienne. Du coup, l’horizon se repeuple. L’assiette s’anime et prend son envol. C’est sans doute ce qu’il faut aller chercher ici. Le lieu est parfait dans sa longueur (à peine vingt cinq couverts disposés en majorité autour du comptoir) et porte encore les traces du passage de Pierre Jancou (superbes ferronneries, dont la poignée de la porte, ouvragée de belle façon). En salle tournoie, Felix Godart (ex Saturne), il délivre des vins nature, apaisés, compréhensifs. Précisément, ce qu’attendent les nourritures de Pierre Touitou. Une cuisine d’indulgence, pas ramenarde pour un sous, de bonté en ses débuts. C’est sans doute maintenant qu’il faut découvrir cette cuisine. Après, elle deviendra, elle lui échappera peut être. A nous aussi. Ah j’oubliais, le dessert minimaliste au chocolat est à tomber de son tabouret.
Meilleur emplacement. Au comptoir, pour voir oeuvrer le chef. Les deux tabourets à gauche dans l’entrée ne sont pas mal du tout.
Dommage. Attention, certains plats sont très simples, et vous risquez d’être déçus si vous attendez à une inventivité systématique. Ici, c’est biblique. D’accord ?
A emporter. Si vous retrouvez le livre de cuisine tunisienne « Odette Touitou, la cuisine de ma mère »( Minerva), sautez dessus. Un livre superbe et sentimental.
Vivant, 43 rue des petites Ecuries, 75010 Paris. tel.: 01-42-46-43-55. Du lundi au vendredi de 19h à 23h15.
Décibels. Lorsque c’est chaud, c’est chaud: 87db
Mercure. La baie vitrée s’ouvre sur la rue et la température correspond à celle de la météo.
L’addition: On peut grimper dans les 30-40 euros. Voire plus si l’on a envie.
Minimum syndical. Spaghetti allo sgombro (18€) et un verre de vin.