Paris. Semilla, savoureuse semence

(une de mes tables préférées)


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Si l’on savait comment réussir un restaurant, il est certain qu’il en fleurirait à chaque coin de rue. C’est un mystère. Enfin presque. Il faut avant tout observer. Non point son nombril, mais celui des gens. Ce qu’ils aiment, comment ils s’asseyent, ce qu’ils laissent dans l’assiette. Après, il s’agit d’avancer à tâtons, de créer plus qu’une atmosphère (facile), un sentiment. Et là, il faut se lever tôt. Il faut sans doute aimer ses cuisiniers, ses clients, ses serveurs ses produits, ses vins. Et logiquement, croyez moi, cela fonctionne. L’exemple le plus vivant de cette théorie perso, c’est Semilla, rue de Seine à Paris. Drew Harre et Juan Sanchez ont réussi cette alchimie depuis une quinzaine d’années. Ils possèdent également dans même rue, Fish la Boissonnerie, Cosi, Freddy’s et une cave à vin, la Dernière Goutte,  rue de Bourbon le Château .

Depuis quelques années, ils ont confié à Eric Trochon la supervision des cuisines. C’est non seulement un MOF (meilleur ouvrier de France), mais il est également prof à l’école de cuisine Ferrandi, à Paris. C’est ici qu’il a sans doute appris à être aux aguets des jeunes brindilles, de ces pure sangs fougueux qui arrivent dans l’univers de la gastronomie. Animant également deux restaurants à l’étranger (Séoul et Tokyo), Eric Trochon est du genre discret, penché sur ses casseroles, presque à leur écoute. Il devine, pressent, tâtonne. Il apporte tout simplement à ces chefs approchés par le talent ce magnifique atout: le doute. Celui là même qui délivre une cuisine de sensations, de saveurs poussées mais pas trop: comme ce ceviche de dorade de ligne brocolis, gingembre; ou encore la  pintade contisée à la pistache, polenta crémeuse,, feuilles de choux rôties. Il y a aussi le carré de cochon, pulpe et semoule de chou fleur croquante. Les plats ici ont cet allant louable et généreux, il y a parfois de la bonté palpable, pas trop d’ego; juste ce scrupule paisible qui rend une table sensible. Clientèle au diapason, souvent anglophone (cela hausse le niveau), parfois des têtes connues (Natalie Portman) qui doivent trouver ici un havre de réconfort. Une de mes adresses préférées à Paris.

Meilleures tables. Bien sur, il y a la 99 (pour deux seulement) qui donne en direct sur la cuisine et ses fumets, mais le bar n’est pas mal ainsi que les petites tablées de l’entrée. Evitez les tables du fond à gauche.img_8754

A emporter. Eric Trochon a publié chez Flammarion,avec Brian Lemercier, un vrai guide des sauces (300). « Le répertoire des sauces ».

Dommage. Parfois, lorsque la salle est à son comble, ça surchauffe en décibels et en mercure.

Restaurant Semilla, 54, rue de Seine, 75006 Paris. Tel.: 01-43-54-34-50. Ouvert tous les jours jusqu’à 23 heures (22 heures le dimanche).

Décibels. Lorsque les Anglos-saxons sont contents, ils le font savoir: 90db.

Mercure. On peut quasiment régler son thermostat en se rapprochant des cuisines. Parfois, c’est chaud !

L’addition. Comptez jusqu’à 50 euros par personne.

Minimum syndical: ceviche de dorade à 15 euros, mais vous n’irez pas loin; mieux vaut alors rejoindre l’adresse mitoyenne: Freddy’s, cave à manger tout en fougue.

Verdict: yep !img_8755