Une soirée au Ritz, c’est irrésistible. Il est 19h30, on se presse à l’entrée. La porte tourne son tambour, ventile la mémoire, laisse resurgir les songes d’un palace inimitable. Sur les marches, un responsable de la réception met toute sa concentration à rappeler au jeune voiturier l’importance des arrivées: « Quand le client arrive, dit il avec solennité, il faut aller l’accueillir ». Ca tombe bien, pendant son explication articulée, un couple très élégant sort d’un taxi. Personne pour ouvrir les portières, les accueillir et les saluer. La soirée peut commencer avec ce genre de gag digne d’une comédie américaine Car, jouer le Ritz est une partition très délicate à interpréter. Il faut balancer d’un siècle à l’autre, comme on le ferait sur un rocking-chair. Garder, semble-t-il, les manières ampoulées, l’excellence, tout en distillant une touche humaine chaleureuse; être là, sans être trop proche non plus. Tout savoir, mais surtout ne pas trop la ramener, comme une sommellerie joliment à côté de la plaque. Jouer le Ritz, c’est donner de la France, du Paris, façon Woody Allen, avec un air de clarinette penchée, la place Vendôme, Fred Astaire, chanter sous la pluie, Chanel. C’est la vie, quoi. Après quatre ans de travaux, le superbe paquebot reprend vie. Tout a été refait et c’est franchement impressionnant. L’impression de se glisser dans l’intérieur d’une limousine fraîchement retendue de cuir. Le restaurant l’Espadon joue une carte majeure. S’agit de retrouver les étoiles avec l’arrivée de Nicolas Sale (ex-Kilimandjaro, à Courchevel) ; frapper un grand coup sans trop estourbir; illuminer sans trop éblouir. Exister sans trop claironner, se rapprocher de la « perfection » sans trop la tourmenter. Débrouillez-vous avec cela. La réservation fut déjà épique avec une heure presqu’imposée (19h) et la recommandation un brin insistante de prendre l’apéritif sur la terrasse. On sent alors que le chef veut prendre possession de l’espace et du temps. Etirer ce dernier avec un défractionnement de ses plats avec des « appâts » en avant-bouche, façon d’ouvrir l’appétit (comme si celui ci n’était pas déjà ouvert) et justifier, au passage, des prix joyeusement cinglants à hennir d’effroi. Les plats furent honorables, fort bien exécutés dans un classicisme un brin actuel. Le service avait la fébrilité des adolescents quand ils font l’amour pour la première fois. Mais l’ensemble reste très émouvant avec le ballet des cloches, l’émotion palpable, la cuisine comme une cosmétique. Le Ritz lui semble rêver tout là haut comme un bouddha indulgent et malicieux. Un peu ailleurs, et c’est sans doute cela qui nous attire dans ce Ritz et ses fantômes.
Meilleur emplacement. Il n’y a pas vraiment de tables moins bonnes, mais les coins restent valables pour apprécier le formidable spectacle de la salle;
A emporter. Il faudra attendre septembre pour découvrir la boutique du palace.
Dommage. Il existe sans doute un nouvel art du luxe. Il faudrait un jour se poser la question. Et y répondre.
Ritz, restaurant l’Espadon, 15, place Vendôme, 75001 Paris. Tel.: 01-43-16-33-74. ouvert tous les jours.www.ritzparis.com
Mercure. Hautement maitrisée 19-20°c.
Décibels. Bruissement urbain d’un palace au décollage: 69db.
L’addition. Violente comme on peut l’imaginer, comptez dans les 300€ par personne, mais menu découverte à 195€.Menu signature à 320€
Minimum syndical. Menu au déjeuner avec deux plats (95€), trois plats (120€) sans oublier les autres points de restauration.
Verdict. Dispensable.