Paris reste t elle la capitale mondiale de la gastronomie ? l’avis de nos amis…

Suite et fin du dossier spécial sorti dans le Figaroscope…

Sept journalistes et écrivains étrangers, spécialistes de la gastronomie, nous livrent leur vision des restaurants de la capitale.

Joe Ray: «Paris, première ex aequo»

 

Joe Ray, à droite.
Joe Ray, à droite.

 

Écrivain du voyage et de la gastronomie pour leBoston Globe (États-Unis). «Champion du monde? On appelle ça une loaded question (une question bien chargée). Il y a vingt ans – même il y a dix ans, quand je me suis installé à Paris -, on se posait la question rien que pour le plaisir, mais on connaissait déjà la réponse. Maintenant, rien qu'à penser aux endroits que je connais bien, c'est un débat légitime. Barcelone a une curiosité culinaire indéniable. La Sicile mélange les produits primaires incroyables et la valeur sûre. New York pourrait gagner rien que sur les chiffres mais est égal à Paris en qualité et largement supérieur en diversité.

À Paris, le café est vraiment mauvais, la bière seconde classe. Et c'est cher. Ceci étant, vous oubliez tous vos problèmes en un seul instant quand l'ex-boucher qui est propriétaire du Severo apparaît en portant, de sa seule main gauche, quatre bouteilles de vin et dans l'autre, une assiette avec une superbe côte de bœuf. Vous les oubliez quand Pierre Gagnaire a fait bouillir une énorme casserole de vin rouge simplement pour réaliser quelques larmes de sauce. Quand Laëtitia auBistrot Paul Bert vous accueille avec un large sourire, vous installe à votre table préférée et vous offre un verre avant de vous proposer une bouteille qui convient à votre goût et votre portefeuille. Quand trois bouteilles de vin, deux verres de calvados et une conversation inoubliable plus tard, vous vous rendez compte qu'il est 5 heures du matin et que vous êtes à table depuis neuf heures. Champion du monde indéniable? Plus maintenant. Mais l'exception française règne. Disons que Paris est première ex aequo. Et pour moi, elle le sera pour toujours.»

Luiz Horta :«Une petite planète gastronomique»

Journaliste vins et spiritueux, de l'O Estao de Sao Paulo- Paladar. (Brésil). «J'aimerais trouver la bonne formule en brésilien pour dire “que pour être heureux il suffit de vivre à Paris”. Cette ville a autant de bons pains dans un seul arrondissement que dans tout mon pays. Ce qui me surprend toujours, c'est de réaliser aussi combien il y a de fromageries: autant que dans l'ensemble de l'Amérique du Sud! Sans oublier les vins qui les accompagnent, ils me permettraient d'en choisir un, différent chaque jour, jusqu'à la fin de ma vie.

En même temps, ce qu'il y a d'incroyable, c'est qu'à Paris, où que vous soyez, il y a toujours un bon restaurant dans un périmètre de quatre pâtés de maisons. La bonne bouffe est accessible de partout sur cette petite planète gastronomique. Les autres capitales gastronomiques du monde s'y essaient bien, comme ma ville, Sao Paulo, mais Paris reste le centre, dont beaucoup de chefs se sont souvent inspirés ou ont appris à devenir ce qu'ils sont. Nous gravitons autour des modes, des nouvelles, des produits et des idées. Tous mes voyages sont en quelque sorte une façon de rejoindre Paris et parfois j'y parviens.»

Ken Hom : «Une référence pour les chefs du monde entier»

 

Ken Hom
Ken Hom

 

Chef cuisinier, auteur et présentateur de télévision sino- américain. «À la question “Paris est-elle la capitale du monde de la gastronomie?”, ma réponse serait “oui… et non”.

Oui, c'est pour moi la capitale gastronomique du monde occidental. C'est l'habileté des Parisiens à se renouveler qui leur a permis de rester au premier rang. Prenez par exemple le déclin de la baguette dans les années 1970. Aujourd'hui, il serait difficile d'en trouver une mauvaise dans tout Paris. Je suis frappé par la force d'une génération entière de chefs qui ont voyagé et cuisiné à l'étranger. Ils sont revenus avec de nouvelles expériences et ont absorbé dans leur cuisine des influences du monde entier.

Mais j'aurais quand même des réserves à formuler. La cuisine japonaise est meilleure à New York, Londres a une cuisine chinoise presque aussi bonne que celle de Hongkong et l'excellence de la cuisine thaïe de Sydney et Los Angeles donne le mal du pays à leur importante population locale. La quantité et la qualité des chefs parisiens sont telles que les cuisines étrangères sont peut-être reléguées au rang de simple curiosité? Juste une supposition de ma part!

En tout cas, je n'ai aucun doute que Paris restera une référence pour les chefs du monde entier. Ses racines culinaires profondes combinées à de solides techniques et à de superbes ingrédients sont les bases qui permettent à Paris de se renouveler constamment et de rester au centre du monde gastronomique.»

Nick Lander: «J'ai toujours un faible pour Paris»

Critique gastronomique au Financial Times (Angleterre). Paris est, a toujours été et restera la capitale du monde en matière de gastronomie. Du moins, tant que je travaillerais à Londres mais aussi lorsque je rêve. C'est alors que me remontent tous mes souvenirs d'initiation à la grande cuisine française. Me reviennent en mémoire tous ces bons petits déjeuners, ces promenades à travers les marchés, les amis rencontrés au cours de ces exquis déjeuners et dîners et, par-dessus tout, la joie d'ouvrir autant de bonnes bouteilles de vin! Pour quelqu'un comme moi qui baigne dans le monde de la restauration depuis plus de trente ans, Paris reste la ville où j'ai toujours le sentiment d'apprendre plus sur cette profession que partout ailleurs. Pourtant, lorsque je viens à Paris pour travailler, pour faire la critique du Financial Times, c'est tout le contraire et j'ai toujours des raisons d'être déçu. Il n'y a pas de ville qui ait le monopole des meilleurs chefs et restaurateurs, fort heureusement. Mais j'ai toujours un faible pour Paris dès qu'il m'arrive de rêver de nourritures…»

Carlo Petrini: «Le mythe d'origine de la gastronomie»

Fondateur et président de Slow Food. (Italie). «Quelle question! Il me faudrait bien plus que quelques lignes pour répondre… Je connais Paris, ce laboratoire métropolitain de culture, d'art, d'idées, de tendances, depuis plus de trente ans. J'ai des souvenirs de jeune Italien gastronome passionné qui traînait au marché des Halles manger les abats et entrait timidement dans les temples de la cuisine française la plus prestigieuse. Paris est le mythe d'origine de la gastronomie. Elle a connu, pourtant, des périodes de lassitude, où le côté prétentieux effaçait la qualité. D'autres villes se sont distinguées par leur vitalité, leur créativité, leur originalité: je pense à Barcelone, qui se nourrit du génie créatif de la nouvelle vague espagnole, mais aussi aux capitales scandinaves, où de jeunes chefs atteignent des résultats étonnants avec les ingrédients qui poussent dans les climats froids. Je pense aussi aux États-Unis et aux restaurants où on peut lire dans le plat le lien très serré avec les farmers'markets et l'organic. Et aussi à San Paulo, au Brésil, et à sa découverte des matières premières indigènes… Récemment, Paris m'a très positivement frappé par la prolifération de «nouveaux bistrots». C'est ça aujourd'hui qui fait tendance et met Paris à l'avant-garde.»

Anissa Helou : «Je raffole des bistrots»

 

Anissa Helou
Anissa Helou

 

Journaliste gastronomique, écrivain, collectionneuse, spécialiste de la cuisine méditerranéenne et du Moyen-Orient. «Je ne sais pas si Paris est la capitale mondiale de la gastronomie. En fait, je ne sais pas si je pourrais dire cela d'une quelconque ville. Tout ce que je sais, c'est que j'adore manger à Paris!

Je raffole des bistrots qui n'ont pas changé au fil des années, où la cuisine est simple, bonne et traditionnelle comme au Paul BertChez Georgesou Chez Denise. Et j'adore les restaurants étoilés où l'on peut manger d'une manière assez intime comme à l'Astrance ou au contraire dans une atmosphère plus grandiose comme au Grand Véfour.

J'ai un faible pour les tout petits restaurants qui peuvent survivre en faisant une cuisine de produit comme le Jeu de Quilles, une ­gastronomie fusion commeYam'Tcha ou juste en servant de très bons produits et vins comme la Crémerie.

Et j'aime aussi les cafés tels le Flore ou d'autres moins connus de quartier qui servent un bon croissant, une tartine ou des œufs au plat à n'importe quelle heure. Et surtout, j'aime acheter une simple baguette croustillante dans une bonne boulangerie pour la grignoter en me promenant. Peut-être qu'après tout, Paris est bien la capitale mondiale de la gastronomie. Le choix y est tout de même impressionnant, radicalement différent de Londres, New York ou la baie de San Francisco.»

Yumiko Inukai: «Paris reste Paris»

Journaliste gastronomique pour Vogue JapanCasa Brutus. (Japon).«Malheureusement, ma réponse est non! Il y a aussi Madrid, Londres, Copenhague et Modène… Depuis le phénomène El Bulli, la notion de capitale gastronomique tourne très vite. Maintenant, il n'y a plus vraiment de mode à Paris. On peut juste trouver un style nostal­gique auquel nous donnons le nom deneo French. Depuis le XVIIe siècle, la gastronomie s'est centrée autour de Paris, mais il n'y a plus de véritable secret lié à cette ville, si ce n'est le foie gras, la truffe et le caviar, qui ne poussent pas forcément à l'admiration. Aujourd'hui, le public se tourne plus volontiers vers des produits rares, originaux, bons pour la santé et plutôt naturels. Ainsi, on peut aussi trouver des produits originaux dans les pays nordiques, l'Amérique du Sud et l'Asie. Paris et la cuisine française restent scellés à leur propre histoire et cet état de choses est comme immuable. Paris reste Paris.

 

  • bertrand
    27 janvier 2012 at 9 h 59 min

    Paris et le caviar…. il a pété un plomb notre ami Inukai, moi j’ai été surpris l’année derniere par nos amis newyorkais ,il y a maintenant des restos qui tiennent franchement la route!!!!

  • Alex
    27 janvier 2012 at 14 h 09 min

    Il ne fait aucun doute qu’il y a en France un très grand nombre de magnifiques restaurants de gastronomie française. Par conséquent, la France et Paris particulièrement permettent de très bien manger !
    En revanche, La France est à mon sens bcp trop peu diversifiée dans sa cuisine et pas suffisamment ouverte. Encore trop peu de chefs étrangers (En dehors de quelques palaces) viennent s’installer durablement en France et proposer la cuisine de leurs pays. Alors que d’autres pays et d’autres villes savent le faire, ils savent attirer ces talents, les aider à investir à l’étranger. Mais on en vient ici à des considérations économiques plus que gastronomiques.
    Des villes comme New York, Londres, Hong Kong, Tokyo , etc voient des grands chefs de toutes nationalités (Chinois, Japonais, Italiens, Indienne, et bien sur française etc.) s’y installer et proposer une variété de cuisine incroyable, des concepts souvent novateurs, tout en conservant la qualité et l’originalité de la cuisine qu’ils pouvaient faire dans leur pays.
    A Paris et a forciori en France, et malgré les efforts de quelques uns trop souvent confidentiels, il est impossible de manger correctement chinois, indien ou italien. C’est tellement vrai que lorsque quelqu’un se lance sur une cuisine nouvelle à Paris on en fait tout une histoire et tout le monde s’emballe..
    Je prends l’exemple de la cuisine chinoise et cantonaise que je connais très bien. Malgré les qualités d’un restaurant comme le Yoom par exemple, il est inimaginables de penser que ce restaurant propose des Dim Sums aussi bons et variés que ce que le trouve à HK. Il n’existe à paris absolument aucun restaurant proposant de la cuisine traditionnelle chinoise, Shanghaienne ou autre. C’est impensable. Dans les années 80, des restaurants chinois à Paris arrivaient à faire venir de vrais chefs d’Asie mais de nos jours c’est impossibles, plus aucun ne veut venir.
    Pourquoi à Hong Kong puis je manger de la magnifique cuisine française (Spoon, Gaddi’s, The Mirror, Chez Patrick, L’Atelier), même des crêpes, des fondues, etc. Et à l’inverse en France, je n’ai absolument aucun restaurant cantonais digne de ce nom. Le constat est le même pour Tokyo et la cuisine japonaise.
    Paris restera bien sûr la capitale de la gastronomie française par sa qualité et sa diversité mais malheureusement la gastronomie est loin d’être uniquement française, et de plus en plus. C’est pourquoi, il y a bien longtemps que Paris n’est plus la capitale de la gastronomie.

  • Rio Yeti
    30 janvier 2012 at 14 h 07 min

    N’étant pas adepte des « +1 » vus couramment sur les commentaires de blogs, je poste rarement si je n’ai autre chose à dire que mon accord avec un message déjà écrit.
    Mais là, Alex, je suis vraiment entièrement d’accord avec vous… et ça me rend un petit peu triste…

  • restaurant montréal
    31 janvier 2012 at 5 h 25 min

    Tout juste au nord de new york, on y trouve aussi Montréal, avec un style qui ressemble bien à paris et une ville complètement ¨resto¨ on y trouve d’excellent endroit.

  • a.o.
    31 janvier 2012 at 8 h 55 min

    @Alex: les restaurateurs français prennent l’initiative et le risque de s’exporter.
    Aux restaurateurs chinois, italiens etc etc de venir à Paris et nous proposer de la cuisine de leur pays qui soit de première qualité.
    J’imagine qu’il y a une réponse économique à leur peu d’enthousiasme pour notre capitale.