Paris. Pétrelle, cette adresse qui échappe à tout

curiosité, romance...

Il doit en exister encore quelques adresses comme celle-ci. Royalement larguées dans le temps. A peine apparaissent elles sur les écrans. Elles n’intéressent quasiment plus personne. Le chef est en cuisine, il n’est pas très connu. Il ne se montre pas. Et pourtant Jean-Luc André délivre tous les soirs des dîners hors du temps. Ou du moins d’une autre époque. Les plats ici ne slashent pas. Ils n’ont pas le tournis ternaire, en juxtapositions insolentes. Ou alors celles de son enfance en Ardèche, d’une grand mère Marinette évoquée en préambule de sa carte, pour ses meringues à la fois fondantes et croustillantes; les oeufs mimosas de sa mère, la daube de boeuf de sa tante  Rose, les thyms et herbes sauvages grillées sous le soleil de l’après midi…Vous imaginez ces années gagnées sur le temps, ce bond en avant savoureux. Après cela, il s’agit juste d’être humble, fidèle, s’apaiser. C’est ce que l’on ressent dans la cuisine de cet homme: une sorte de sérénité pastorale, un univers à la Joseph Delteil, une thébaïde mentale, une cuisine de don. Le décor du restaurant est déjà tout un poème. On se croirait dans une garçonnière d’un dandy à la Barbey d’Aurévilly.  Des rideaux, des lustres à pampilles, un décorum de théâtre, des fresques, des piles de livres, des abats jours frangés, des livres encore, des fleurs séchées, des guéridons embusqués. Et puis il y a cette pénombre, où se fraient des lumières tamisées. Parfois, elles se fixent sur la nacre d’un poisson, la chair d’une viande, le luisant d’un légumes. C’est assez désarmant pour tout dire. On se sent comme induit dans cette atmosphère. On en choisirait ses mots, on ralentirait un geste. Les plats sont tels que vous les pressentez: agneau de lait de Lozère bien fondant jus clair de sauge;  ris de veau de Corrèze doré, cébette et romarin frais; pintade du rouergue, quelques girolles, brins de sarriette. Il y a même un dessert assez réservé à l’intitulé engageant: pot de crème soyeuse, fleur de lavande, vanille bourbon. Faussement modeste et offrant en ses ultimes cuillerées un caramel chaud. C’est tout à l’image de ce restaurant singulier, tendre, charmant. Plus que cela, un cuisine d’émotion.

Meilleures tables. Pas mal de coin et recoins, de tables isolées.Ma préférée restant celle à droite en entrant, paix royale.

Dommage. Cuisine superbement simple et bonne, mais la douloureuse l’est vraiment: certes menu à 40 euros, mais à la carte, vin compris on termine dans les 200 euros vin compris.

A rapporter. Jean-Luc André a réalisé en catimini un délicieux recueil de recettes, si vous arrivez à mettre la main dessus…

Pétrelle, 34, rue Pétrelle, 75009 Paris. tel.: 01-42-82-11-02. Fermé dimanche et lundi. A partir de 20h.

Décibels: 78db plutôt soyeux.

Mercure: en adéquation avec l’extérieur. Tiédeur lutécienne.

Addition: Comptez 80- 100 euros à la carte vin compris

Minimum syndical: le menu à 40 euros

Verdict: pour un tendre et joli diner, oui !