Paris. Le Relais Louis XIII, l’échappé du siècle

IMG_6022Récemment pour M le supplément du Monde, je me suis rendu dans ce restaurant. Voici mon sentiment…

Il y avait là un couvent. C’était au XIIIeme siècle. Il allait de la Seine à la rue Saint André des Arts. Parfois, lorsque l’hiver est sombre, les rues désertes (ce n’est pas compliqué), l’illusion agit. On se croirait dans un ailleurs, écrit en lettres gothiques, poutres apparentes, vitraux et bois travaillés. Le Relais Louis XIII s’inscrit donc dans cette enclave datée. Les chaises ont le dossier haut, le service poncé par le scrupule stresse ostensiblement. Parfois Manuel Martinez (ex-Tour d’Argent) le chef patron apparait, flatte quelques tables, s’assure que tout va bien et que « ça a été ?», pour reprendre cette expression  magnifiquement foireuse de la gastronomie. La cuisine, on l’aura deviné, file doux dans ce passéisme réussi. Il aurait même cette vertu soudaine des oubliés (des délaissés, comme on dit à la campagne) que l’actualité nous ramène comme des bois flottés. Voici donc des plats comme la quenelle de bar, sorte d’abstraction insensée, d’une douceur de séraphin, passant comme une hostie, une sorte de miracle pour édentés, une construction elliptique glissant comme un souffle. On repose alors la fourchette comme incrédule. « Attention, l’assiette est chaude «  annonce la serveuse. Bien sur, on vérifie de la paume. Elle l’est. Dessus (ou pourrait même dire: dedans) se dresse le canard maison. Il est délivré avec sa sauce au sang. Sorte de masque mortuaire magnifique et mystérieux que l’on ose à peine recueillir, comme un sacrilège gothique, inquiétant. Mais c’est délicieux, alors on réclame une cuiller à sauce pour glisser sur la  surface du disque de l’assiette. On a l’impression de recueillir les larmes d’une cuisine révolue, presqu’oubliée. On sert la main d’une personne qui a traversé les temps. C’est cette cuisine d’émotion qu’il s’agit donc d’aller cueillir avant qu’elle ne disparaisse, avec nos regrets chicanants, et cette nostalgie crémeuse, aux superbes cuissons.  Attention, ce genre de voyage ne se fait pas à l’emporte pièce, il faut glisser les doigts prudemment comme on le ferait pour saisir une soucoupe (chaude).

Meilleur emplacement. On évitera les tables de l’entrée (mauvaise pioche) pour préférer les tables de coin, ou au fond. L’étage n’est pas indispensable.

Dommage. L’addition si l’on s’accorde l’imprudence de la carte, mais plus qu’intéressante aux menus,notamment du déjeuner !

A emporter. Si vous aimez les choux, alors autant visiter une boutique créée par Manuel Martinez, à deux pas de là, La Maison du Chou 7 place de Fürstenberg, 75006 Paris. Tel.:09-54-75-06-05.

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Passage à l’acte

Relais Louis XIII, 8, rue des Grands Augustins, 75006 Paris. tel.: 01-43-26-75-96. www.relaislouis13.com. fermé dimanche et lundi

Décibels: 77db, clientèle appliquée et contente.

Mercure: 21°c, un peu plus chaude vers les cuisines.

L’addition. Comptez 150 euros à la carte. Menus le soir à 90€, 140€ le week end.

Minimum syndical: le menu au déjeuner: 60€.

Verdict: pour un voyage dans le temps, oui.