Récemment pour M le magazine du Monde, je suis allé visiter cette adresse…
C’était avant une bonne vieille boutique de tours Eiffel miniatures. Le lieu a été conservé dans son jus. On a même gratté les murs, le sol pour pousser plus encore son vérisme, son brutalisme. CAM apparait comme un vieux vêtement années Cinquante extrait d’une vieille friperie. On se frotte les yeux, on vérifie l’adresse, c’est bien là. Les lumières sont des ampoules de chantier, nues et blafardes. Pour mieux vous faire comprendre le message, l’assise est sommaire, de bois, comme si le temps filait vite, que le monde bougeait sans cesse. Qu’il ne fallait pas s’installer, mais se hâter. La mouvance donc, l’accélération des particules et des méridiens. Lancé par Phil Euell (l’âme des Boot cafés), voici une sorte d’espéranto mobile et énergique. Même si la serveuse adorable développe le discours d’une cuisine « coréenne » (le chef, c’est Eseu Lee, ex-Passerini), les plats sont asiatiques, style Hong Kong à l’image de ces « chicken wings ». Ils sont mal découpés (trop volumineux). Ce n’est pas grave, car ils sont superbement frits, irrésistibles lorsqu’on a faim, transformant les tablées urbaines en sagouins forcenés, dévidant un séisme de Kleenex proposés en guise de serviette. La rythmique est ici désastreuse (que c’est lent!), mais bizarrement, la docilité d’un public tout acquis libère une mansuétude communicative alors que dans d’autres lieux cela râlerait sévère. Autant dire que vous êtes ici dans une adresse en vue, totalement perchée dans l’actualité, aiguë, vive, mordante au dessus d’une carte minimaliste (juste huit suggestions) de plats à partager: saumon et oeufs de saumon sur des oeufs, morceaux de viande de boeuf (style onglet) au soja, à rouler dans des feuilles de coriandre, laitue et menthe. Ca cahote, la musique est si forte. Les conversations suivent emportant dans le torrent des artistes au verbe véhément, des architectes marmonnant, des mutiques comptant les heures. Les assiettes suivent le knout des sauces pimentées gochujang, le crispy des cacahuètes, le groove du sésame, le fumé de la mozza. Paradoxe de ces lieux animés et enflammés, on sait que l’on y passe un très bon moment. Mais que de toute évidence, il n’est pas sûr que l’on y revienne.
Les meilleures tables. Notre conseil, venez tôt car après c’est un vrai bazar archi bondé. Réservez près de la vitrine, ou alors tout au fond (vaste table).
Dommage. La lenteur du service.
A emporter. Plein de gimmick d’une cuisine décomplexée à partager.
CAM import-export, 55, rue au Maire, 75003 Paris. Tèl.: 06-26-41-10-66. Fermé lundi et mardi.
Décibels: régulièrement au dessus des 90db, record du coin !
Mercure: en fin de soirée, on doit être dans les 25°c.
L’addition: clémente pour les appétits légers; comptez 30 euros par personne;
Minimum syndical: trois ailes de poulet frit 12 euros.
Verdict: au moins une fois !