Paris, Hôtel de Sers, l’indifférence du 8eme arrondissement

Paris, Sers, crabe
C’est toujours intrigant d’observer le jeu qui se déroule autour des restaurants. Et même dedans. Bien souvent, à l’heure du déjeuner, des personnes très sérieuses viennent s’attabler au-dessus de plats sophistiqués. Jusque-là, tout va bien. Mais on s’aperçoit vite que les nourritures sont prétextes. Elles constituent un décor, comme du reste y participe l’adresse dans un beau quartier, dans les hanches d’un bel hôtel. C’est un peu la comédie parisienne avec ses simulacres (hum, que c’est bon et joli), alors que l’on n’en a rien à battre. On aurait même tendance à n’avoir en ces premiers soleils de printemps qu’une seule envie : courir autour de l’hôtel, prendre une bonne suée, une douche froide et un jus de carottes au gingembre. Seulement voilà, vous êtes assis et arrive en amuse-bouche un effeuillé de saumon sous une tuile légumière. Que faire devant ce dilemme ? L’hôtel de Sers appartient à ces véritables planques de l’arrondissement. Rue stoïque et bien mise sur elle, voire embellissante dans son énoncé : rue Pierre-Ier-de Serbie (et non Pierre Hermé de Serbie), ça pose tout de suite. Entrée avenante, personnel classe avec veste fermée et cheveux disciplinés. Salle à manger, style hub d’aéroport acceptablement stylisé ; terrasse aux beaux jours.

Paris, Sers, poisson
On l’a dit, ici opère un chef qui en veut. Chaque assiette est travaillée et l’on sent un vrai scrupule, le désir de bien faire. Mais aussi, en même temps, celui de se faire remarquer ; ce qui ne va pas toujours ensemble. Cela dit les plats cravachent à mort, à l’instar d’un gâteau de crabe que n’aurait pas renié Bob l’Éponge, concentré et râblé. Les asperges et les langoustines sont étirées comme sur une plage de nudistes. Il y en a un peu partout, sans concentration sur le sujet. Itou pour le cabillaud, servi en cuvette guère praticable mais solide dans sa composition en croûte de nori, bouillon de langoustine perlé au gingembre, coppa grillée. Si la cinétique de l’ensemble est laborieuse, les saveurs et les produits sont là. Bref, c’est une bonne table. Si ce n’est l’atmosphère paradoxale qui se dégage au-dessus de ces compositions artisanales. On y lit un désintérêt civilisé, un choc d’incompréhension somme toute banal et si fréquent dans le quartier. Cela nous est tous arrivé, vous racontez une histoire (drôle ou non) et lentement le brouhaha de la salle ou de la tablée gagne. On ne vous écoute pas. Ou que du bout de la fourchette. C’est sans doute comme cela, la vie.
 Grand classique autorisé par le prix du mètre carré, les tarifs sont solides et permettent un tamisage de la clientèle. Doucement violents sauf si l’on se réfugie sagement dans le menu du marché à 42 euros.

Hôtel de Sers 41, av. Pierre-Ier– de Serbie. Tél. : 01 53 23 75 75. Ouvert du lun. au sam. de 7 h à 22 h 45 et le dimanche de 7 h à 22 h.