Par un étrange paradoxe, les marchés ont mis du temps à piger qu’ils pouvaient être les lieux par excellence où l’appétit fonctionnait à fond et voulait en découdre. Ce dernier est ici à ciel ouvert. Il butine, pianote des plats imaginaires; effleure, renifle, cherche, fouille. Puis s’en repart en cabas à la maison composer sa musique, construire ses dédales. Depuis quelques temps, des gargotes, des échoppes, des cantines éclosent ici et là redonnant au marché leur ambition première. À Saint Germain (Mathees), autour d’Aligre, à Secrétan…Et aujourd’hui , aux Enfants Rouges, à Paris, le genre éclabousse. De partout des sandwiches écumant de santé (c’est dans l’allée du centre), des bentos japonais, des burgers fermiers, couscous, accras. Depuis peu, une bombinette comme on les aime, vient d’être dégoupillée par Michael Grosman et Laurent Perles (ex-Soma) avec aux fourneaux un cuisinier silencieux comme un chef Mohican, Masahide Ikuta. Dans le brouhaha du marché, les allées et venues, apparaissent ex nihilo des splendeurs comme cette sole épaisse comme une paume, posée sur un beurre clarifié avec en contre champ des betteraves, des légumes rôtis dans leur bonne humeur communicative. C’en est presque invraisemblable. On se dit que la gastronomie vibre de la plus belle façon lorsqu’elle s’agenouille au ras du bitume. Il y a là comme un arc en ciel inespéré, une bonne fortune malicieuse. Le reste de l’ardoise mouvante au gré des arrivages est gentiment bluffante: pâté en croûte au foie gras, foie de veau élevé sous la mère, pétoncles noires-ail des ours, oursins de Galice, faux filet maturé (60 jours), ris de veau; couteaux de plongée, poulpe de Galice snacké-picillos; tempura de cervelle et encornet avec exquise mayonnaise au gingembre…Ou encore ces asperges bien cadrées avec un doux jaune d’oeuf et des écailles de gouda. Voici une allégresse rieuse, un franc parlé déconcertant pour le plus grand plaisir d’une clientèle alertée par les sirènes des guides (merci le Fooding), assagie sur les hauts tabourets, alors que le marché ronronne comme un chat content.
Les meilleures tables. Disons que c’est déjà la foire d’empoigne. S’agit de venir en début de service, sinon, poireauter comme tout le monde.
Dommage. Pour l’instant, tout va bien.
À emporter. C’est ici que ça se corse: huîtres, plats, vins natures, fromages…Pfou, ça y va question tentations.
Les Enfants du marché, épicerie fine-traiteur-cave à vins, vente à emporter. Marché des Enfants Rouges, 39 rue de Bretagne, 75003 Paris. Tèl.: 01-40-24-01-43. Mardi, mercredi et dimanche de 9h à 17h; jeudi, vendredi et samedi de 9h à 21h. www.lesenfantsdumarche.fr
Décibels: en fin de matinée, gentil brouhaha 78db
Mercure. En ces premiers jours de printemps, souvenez vous, ça caillait sec: 6°c.
L’addition. On peut aisément voguer vers les 40 euros.
Minimum syndical: pâté en croute au foie gras 16 euros.
doyen
8 mai 2018 at 16 h 32 minc’est parfait