Paris. Dur comme le Roch

Eden

Paris connait un joli envahissement d’hôtels. Ils se revendiquent de « niche », « boutique ». Ils sont comme des jouets, neufs et colorés. Bien souvent, puisque l’on vise les cinq étoiles hôtelières, un restaurant éclôt en leur lobby. Parfois, on bricole, on emprunte un chef, on en duplique sa patte. Bref, on pompe  un peu partout. Ce n’est pas toujours réussi, un peu gauche, vaguement loupé. Pas grave, il y a une clientèle à Paris pour ce genre d’estompé, d’éraflures, de croquis  jeté à la hâte. L’épure -comme en bande dessinée- laisse une grande part d’imagination au visiteur. Le tour est joué. Cela permet de ne pas manger, juste de picorer en envoyant quelques javelots bien acérés sur la nullité du lieu. Il y a un effet revigorant à cet exercice parisien, il épargne ses proches et vise les premiers venus. D’autre fois aussi, cela se passe bien. Voici donc le Roch, posé dans la rue célébrant son saint. Tout semble réuni pour jouer le simulacre habituel. Et pourtant non. L’accueil est étonnamment gentil et attentionné, loin de la fausse bonhommie commerciale habituelle. Il est même sincère. Le décor est bien taillé, rebondissant dans ses éclairages, ses arythmies, ses coloris (fleuris et géométriques; bleu roi, blanc cassé, vert Empire) et ses volumes (un open space). L’assise est bonne et l’intimité préservée. Le charme pourrait s’arrêter là,  et pourtant, il  se poursuit dans l’assiette. Elle a été conçu par un chef doublement étoilé (Arnaud Faye, la Chèvre d’Or) qui, tradition oblige, n’est pas là. Il se fait donc « seconder » et ce, par Remy Bererd (ex-Tour d’Argent). Qui se cogne tout le boulot. C’est clair, ils ne sont pas venus faire les marioles. Les saint-jacques en  carpaccio (choux fleur multicolore et poutargue) ou snackés à la plancha (avec coquillages, poireaux et citron confit) fonctionnent bien, avec percussion, joliesse, et saveurs. On sent en cuisine une application, du sens, de la volonté de bien faire sans pour autant prendre le chou (fussent-ils polychromes). C’est sans doute cela qui authentifie un propos global. Pas de dissonance, du décor à l’assiette en passant par l’accueil, un établissement reste finalement toujours cohérent dans son propos. Mieux encore, on se sent  à l’aise, pas de pression, si vous prenez une demi langoustine, ou un quart de poireaux. C’est sans doute cela, une atmosphère. Cette dernière semble trier d’elle même la clientèle. Celle ci n’est ni kitchy, ni trop ramenarde, il y a une sorte d’unisson. Les tables mènent leur vie paisiblement, parfois avec rires et mots appuyés. Sur une banquette, une femme se retourne vers le miroir placé derrière elle. Elle se regarde. Sans doute, gagnée par la protection des lieux, leur mansuétude. Nous sommes en confiance.

Les meilleures tables. Beaucoup de coins, et d’apartés, mais l’une des plus agréables, est tout au fond à droite, dans l’oblique du bar et de l’entrée.

Dommage. Réservations coton.

A emporter. Dans la déco de Sarah Lavoine, cette façon de démultiplier les atmosphères, de les déboiter.

Le Roch, 28, rue Saint Roch, 75001 Paris. Tel.: 01-70-83-00-00. Fermé dimanche et lundi. Réservations sur le site www.leroch-hotel.com. Egalement petit déjeuner : de 7h à 10h30 (jusqu’à 11h le weekend).Tea Time : de 15h à 17h30

Décibels: 79 db, joli bruissement parisien.

Mercure: 21°c, maitrise de la technique.

L’addition. Comptez 50 euros par personne.

Minimum syndical. Menu « lunch break » à 29€.

Verdict: allez-y en confiance (je croise les doigts).