Il y a un bon vieux Graal parisien qui ne prendra jamais une ride. Rien que d’écrire son nom fait tourner plus d’un oeil. Activer des pulsions sanguines, des embardées sonores. C’est la pizza, vaste débâcle parisienne, branche presque sciemment sciée dans cet étrange rapport qu’affectionne cette ville avec les cuisines dites « étrangères ». Bien souvent, la pizza parisienne est sans âme. Elle triche trop: dans les produits, la pâte, même la bonne humeur transalpine surjouée par des lascars en fausse moustache. Voila pourquoi, l’arrivée d’une nouvelle pizzeria à Paris est toujours un moment attendu. Après les désillusions d’adresses surmédiatisées, on pouvait craindre le pire avec ce restaurant glissé en lieu et place de Vivant Table, rue des Petites Ecuries. C’est une Napolitaine Graziella Buontempo qui a relevé le défi avec l’aide d’Arnaud Lacombe (Vivant, avec Pierre Touitou). Pour cela, ils ont presque soulevé les montagnes (un four de 2, 4 tonnes) et effectué d’incessants aller-retour avec Naples, histoire d’être en phase avec les normes de la vraie pizza napolitaine (AVPN; association Verace pizza napoletana). Car on ne rigole pas avec ce disque magique. La margherita ne doit donc pas dépasser les 35 centimètres (ici, elle fait 33cm), le bord doit être surélevé de 1 à 2 cm, tandis que le centre pousse jusqu’à 0, 4cm. Pas question d’utiliser le rouleau à pâtisserie pour la façonnage de la pâte encore moins de machines mécaniques. On arrêtera là le cortège réglementaire des produits (les farines, le bois de chauffe, les tomates…)pour aller droit au but: est elle bonne ? La réponse est oui-oui-oui. Pourquoi? Sans doute parce que la cuisson est d’une violence inouïe (450-480°c). Elle fait littéralement « exploser »la pâte. Elle vous délivre ainsi une pizza saisie au vif, captée dans sa vérité. Après cela silence d’église, car on mange. Sans surtout parler, car le syndrome de la pizza voudrait que si parfois on l’abandonne, c’est qu’elle est devenue froide. Morte, quoi. Il s’agit donc de la déguster avec une maitrise de samurai. Ensuite, on portera un oeil apaisé sur le cadre délicieux de cette ancienne oisellerie, remanié par Pierre Jancou (aujourd’hui à l’Achille), drainant la clientèle pimpante d’un quartier en plein souffle.
Meilleures tables. Au coeur de l’action, ou les bords, chacun -comme en pizza- sa religion.
A emporter. Bien entendu, on peut emporter sa pizza à la maison, mais il y a intérêt à cavaler sec.
Dommage. Au tout début, pas grand chose à signaler. Peut être la porte d’entrée: faut il la pousser ou la tirer en arrivant?. Réponse: la tirer.
Da Graziella, 43, rue des Petites Ecuries, 75010 Paris. Tel.: 01-45-65-37-15. Fermé dimanche et lundi.
Décibels: 86db en début de soirée, plus calme au déjeuner (quoique).
Mercure. Avec le four à bois, on est comme dans un gros bon pull.
L’addition. prix paisibles: 20 euros environ.
Minimum syndical: la margherita à 13 euros, va bene !
Verdict: andiamo, subito-su !