Paris. Ce soir, Mathieu Chedid et Nicolas le Riche au Théâtre des Champs Elysées. Entretien.

 

IMG_6105IL n’y a pas longtemps , pour Air France Magazine, j’ai pu rencontrer ces deux artistes. Rien de tel que la réunion de deux talents: il y a toujours des étincelles dans l’air…

Il y a quelque chose palpable entre ces deux artistes. Et précisément, cette matière, ils ont décidé de l’étirer, d’en créer une texture, une sorte de magie musicale et dansée. Ce sera à la mi-mars au Théâtre des Champs Elysées dans le spectacle Parra-ll-èles . Interprètes: Nicolas Le Riche/ Clairemarie Costa. Musique: Matthieu Chedid; costumes: Olivier Bériot. 

Que pourrait déclencher dans vos univers la notion de pleins et de déliés ? La notion de silence dans la musique? 

Matthieu Chedid. J’y vois tout de suite les notes courtes et les notes longues. Quant au silence, c’est la quête ultime du musicien. Au départ, on est très bavard. On veut remplir le vide, montrer ce que l’on sait faire. Puis, plus le temps passe, plus la maitrise s’appuie sur  le silence, la respiration entre les notes. J’écoutais ainsi l’ouverture de Tristan et Yseult de Wagner, dirigée par Karajan et il y a là un moment suspendu fabuleux. Parfois, on pourrait aller jusqu’à des extrêmes. Faire comme John Cage: jouer son silence. Mais cela je ne le ferai pas, car j’aime trop faire plaisir aux gens. Je ne voudrais pas les ennuyer, mais dans l’absolu, le concert ultime serait le silence !

Nicolas Le Riche. L’une des couleurs que j’aime dans la danse, c’est la texture du geste. En fait, par delà  la forme, c’est le geste. Il peut être tour à tour lisse, rapide, à écho. C’est tout ce qui va faire la composante. Je travaille en ce moment sur la musique de Mathieu. Ce que je ressens le plus profondément, c’est cette palette. Subitement, on va avoir du croustillant et du fondant. Ce contraste finalement amène corporellement à une vision panoramique d’un geste. Comme Matthieu,  il est vrai que lorsqu’on est jeune on veut en mettre plein la vue, que ça explose, que ça pétarade. Mais, au bout d’un moment, on se rend compte qu’il y a des explosions plus subtiles mais tout aussi extraordinaires.

Lorsqu’on vous voit danser Nicolas, on pense à un vêtement d’ Isse Miyake, vous avez un rapport spécifique avec l’air ?

Nicolas Le Riche. Ce rapport a l’air précisément travaille sur ses histoires de texture, un monde plein et avec des ruptures de lignes. Ca se retrouve beaucoup dans la musique. Lorsque je demande à Matthieu de faire une horloge, un tic-tac, pour notre projet. Il me donne une musique cristalline. Au lieu de le cadencer, il étire le temps. C’est le délié et le plein.

Matthieu Chedid. Bien souvent on se limite, car on nous limite. On nous enferme dans un genre alors qu’il s’agit de traduire des choses avec d’autres médiums. Pour moi faire la musique d’un ballet, c’est idéal car j’ai la chance d’être complexé. Je me sens enfant. J’ai le privilège du débutant. Je suis hors poste, hors code. Lorsque l’on est dans l’innocence, dans l’ignorance, on s’ouvre des portes.

Précisément, votre rencontre fut elle une histoire animale ou mentale?

Matthieu Chedid.  Même si l’on ne se voit pas, on se comprend. Ce n’est pas au mental car son énergie me parvient. Je pense à lui et je fais une musique. La recherche est passée ailleurs, comme si je me branchais à lui. Tu restes le canal ouvert. Tu acceptes la chose comme elle est.

Nicolas Le Riche. Il y a comme une « synchronicité accidentelle ». Je connaissais déjà instinctivement Mathieu avant même de l’avoir rencontré.

Qu’aimeriez vous prendre chez Nicolas à part ses répétos?

Matthieu Chedid J’ai hérité de la vision poétique de ma grand- mère, de mon père… Aussi lorsque je vois Nicolas et  Clairemarie (NDLR, Clairemarie Osta, son épouse danseuse), tout de suite, je capte les mots, la grace, la poésie de leur amour. C’est comme un grand tableau, je n’ai pas envie de le prendre mais  d’en apprécier la beauté.

Nicolas Le Riche. Depuis que je suis tout petit, je me suis toujours intéressé à un monde fantastique et fantasque. Il se trouve qu’un jour, j’ai rencontré un jeune homme qui m’a proposé cet univers. C’était Matthieu. Tu me parlais de poésie, de fantaisie, de perception sensible d’un monde . 

Mathieu Chedid. On est inspiré par la magie de l’autre, c’est cela notre partage, ce qui nous réunit. 

Nicolas Le Riche. Tu sais, j’’aime bien cette époque 1909- 1929, l’époque des ballets russes avec cette idée folle de l’art totale Picasso travaille Stravinski, Cocteau… Tout ces artistes qui se rencontraient et travaillaient ensemble , c’est ce qui m’a nourri et je suis toujours à la recherche de cela.

 Que n’arrivez vous toujours pas à comprendre chez l’autre ?

Nicolas Le Riche. Je suis un joueur de guitare du dimanche. Lorsque je fais un « mi «  à la guitare en suivant précisément les instructions, je n’arrive jamais à retrouver le même « mi « que Mathieu!

Matthieu Chedid. Je n’ai pas été confronté à la danse, mais je ne cherche pas  comprendre ou je prends avec, le tout. Je ne cherche pas à analyser, je suis dans la vibration de l’échange. Pour inspirer et m’inspirer.

Comment marchez vous Nicolas ?

Nicolas Le Riche. (silence interrogatif, il se lève). Comment je marche ? Talon/pointe, pourquoi? Ah oui, je fais attention au bassin trop ouvert car je travaille beaucoup avec les pieds en dehors. sinon je surveille l’axe, tête, épaules…L’exercice de la danse m’aide à être d’une grande précision dans la vie: être là, tout donner à l’heure dite. Se lâcher, et offrir. Je donne, je ne contrôle pas, je laisse s’envoler mon corps. Comme un petit oiseau.

Matthieu Chedid. L’improvisation procède de la même veine: tu n’es plus décideur.

Para-ll-èles, theatre des Champs Elysées, les 11/12 et 13 Mars. www.theatrechampselysees.fr