y a peu je me suis rendu ici même, chez Cartet, pour M, le supplément du Monde. Voici mon sentiment sur cette adresse singulière…
On se croirait dans un film de David Lynch. Il est 20 h 30. Le restaurant où vous avez réservé est fermé. La rue de Malte est dans une semi-pénombre, la place de la République est vide. Vous vérifiez l’adresse, le jour. C’est pourtant bien ici, ce soir. Deux couverts. Il y a deux, trois loupiotes allumées en veilleuse, mais c’est tout. Soudainement, une ombre, et la lumière. Les néons clignotent puis se stabilisent. Ils éclairent une salle aux boiseries Art déco avec, cheminant dans le pourtour, une banquette vert amande.
Ce restaurant s’appelle Cartet. Il appartenait naguère à une « mère » lyonnaise. « C’est comme un bateau, il ne faut jamais en changer le nom, estime le patron. Les gens ont besoin de souvenirs, de savoir que les choses ne bougent pas. Qu’elles sont toujours là. » Il parle ainsi. Car nous sommes seuls dans la salle. Juste deux clients. Alors, parfois, il disserte, s’en retourne à la cuisine, lave la vaisselle, surveille la cuisson de la tarte au citron. Celle-ci arrivera au dessert, chaude et incroyablement voluptueuse.
Des plats qui semblent extraits du passé
Le reste du repas aura été du même acabit. Ondulant entre solides terrines, rognon de veau, bœuf à la ficelle, magret de canard au poivre, quenelle de brochet, brandade de morue. C’est abondant. Les plats d’inspiration lyonnaise semblent eux aussi extraits du passé. Ils nous arrivent dans leur faconde, leur innocence. On se surprend à saucer, à reprendre du « rab » de mousse au chocolat, d’œufs à la neige, de crème caramel. On se damne car c’est joliment bon, tellement émouvant. C’est une cuisine du passé livrée telle quelle avec son babil, ses mots d’antan. Il serait presque tentant de ne pas casser le rêve, de ne pas en parler, de glisser sous la porte rejoindre la nuit. En fait, ce restaurant n’existe (presque) pas. A 20 h 30, la rue de Malte est dans une semi-pénombre. La place de la République est vide. Il fait froid. L’adresse s’est égarée.
Place de choix
Il se peut fort bien que le restaurant affiche complet avec juste deux clients. Vous. Le patron qui prend les réservations aime bien, semble-t-il, avoir la paix. Alors, vous serez sur l’une des rares tables.
Francois Simon Au menu, les saveurs subtiles des plats d’antan, comme la tarte au citron, voluptueuse à souhait, ou le boeuf à la ficelle.
Dommage
Faut-il s’embarquer dans une critique, apporter un bémol ? A chaque fois, le paradoxe viendrait vous mordiller le lobe de l’oreille. Serait-ce trop abondant ? Trop riche ? Un peu trop cher ? Un peu barré ? Malheureux, filez votre chemin.
A emporter
L’idée de regoûter les desserts à l’ancienne : œufs à la neige, riz au lait, crème caramel, merveilles… Celle aussi de commander des terrines en entrée pour apaiser l’appétit, l’amadouer.
Passage à l’acte
Cartet, 65, rue de Malte, Paris 11e. Tél. : 01-48-05-17-65. Fermé le samedi et le dimanche.
Décibels : 67 dB. Le ruisseau de votre conversation.
Mercure : 21 °C. Le patron ce soir-là avait déclenché une petite soufflerie d’appoint.
Addition : pas donnée, on est ici dans l’abondance : 23 € l’entrée, le double pour les plats, compter 100 € par personne. Attention, pas de cartes de crédit.
Minimum syndical : un plat direct (45 €), mais vous ne l’emporterez pas au paradis.
Verdict : A votre avis ? On y retourne ce soir
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/m-styles/article/2015/03/13/cartet-joue-les-classiques_4592099_4497319.html#bycCj5HZo4qfsbhf.99
redite?
18 mars 2015 at 19 h 00 minhttp://madame.lefigaro.fr/art-de-vivre/cartet-table-libre-peu-barree-230411-149524
Alice
19 mars 2015 at 10 h 32 minToujours le charme pour dégoter des adresses sorties de nulle part et pourtant si alléchantes. Je meurs d’envie d’y aller rien que pour la tarte au citron.
martin
19 mars 2015 at 18 h 50 min100 euros par personne pour une terrine de campagne, une brandade et une mousse au chocolat. Euh… Comment dire? Sûr que ça vaut le coup?