Paris. Café Pouchkine, la Bérézina

la place rouge était vide...

Récemment pour M le supplément du Monde, je me suis rendu au Café Pouchkine, histoire de voir…

Rien de plus attirant que les adresses lancées à grands coups de flashes, de stars à la dérobée, de place prestigieuse (celle de la Madeleine-Hallyday), de mètres carrés a volo (600m2 sur deux niveaux) et de signatures à dévisser la tête: Alain Ducasse Conseil, et la pâtissière Nina Métayer (ex Raphael, ex- Le Grand Restaurant de Jean François Piège). Sur les photos, c’est classieux en diable, les éloges poudroient sur Tripadvisor, autant dire que l’on va passer la soirée en chaussons capitonnés sur le papier glacé des magazines. Souvent le réel nous rappelle à l’ordre par son intrusion mordante. En fin de journée, les lumières sont un peu moches, même si la plupart des clients sont baignés dans le halo bleuté des téléphones. Quasiment toutes les tables sont ailleurs dans ces limbes chloroformées que nous connaissons bien: le post coitum du shopping lorsqu’on réalise que la table est entourée de nos sacs, turpitudes ciglées à souhait, flagellations des cartes de crédit. Le service est un peu à côté de la plaque, naviguant à contrecourant et alternant les super gentils aux dans-la-lune, avec toujours dans les parages l’adjudant chef qui rectifie les coups de mou. Pendant 50 minutes, en attendant le plat, rien sur la table, pas de pain, juste un bouquet de roses, le lustre Louis XV, la pendule Louis XVI, l’abat-jour frangé. Arrivent alors les soles meunières, arborant une jolie roue, style l’outrecuidant Marcel Campion, avec l’arrête en cercle acrobatique. La chair est un peu absente, les haricots verts ailleurs, mais c’est pas grave; bien souvent, ici on ne cherche pas vraiment à se taper la cloche, on attend un instant fabuleux, celui du dessert. Et là, à chaque tablée, on sort son regard des écrans tactiles pour rejoindre les merveilles tant claironnées. Le millefeuille « historique » mérite bien son nom, car il est dans une déroute désarmante. Il a du passer un sale quart d’heure dans sa « deshibernation », rester coincé dans le sas de contrôle Parafe, bref, il est pas bien, entassé, dégageant aucun son, ce fameux croustillant cristallin qui fait fondre les plus rustres d’entre nous. l’intitulé faisait craindre le pire et effectivement, la pavlova annoncé avec un « tutu de chantilly » est un peu godiche alors que de ce dessert on attend un séisme crémé, une danse de saint-gui, un pétage de plomb calorique. Ici, une petite danseuse fluette, pâlichonne, oubliable, une chandelle atone répondant aux arcanes étonnantes de ce café, inventé ex nihilo sur la fameuse chanson de Gilbert Bécaud « Nathalie » (1964):  « La place Rouge était vide, devant moi marchait Nathalie, il avait un joli nom mon guide, Nathalie », « Elle parlait en phrases sobres, de la révolution d’Octobre, je pensais déjà, qu’après le tombeau de Lénine, on irait au café Pouchkine, boire un chocolat… « 

Les meilleures tables. Mieux vaut aller au premier étage, beaucoup plus calme, et décrocher une table donnant sur la place.

Dommage. Beaucoup de promesses, mais au final, très commun.

A emporter. Sur place, grande pâtisserie avec les spécialités maisons

Café Pouchkine, 16 Place de la Madeleine, 75008 Paris. Ouvert tous les jours de 7h30 à 23h. Tél.:01 53 43 81 60. www.cafe-pouchkine.fr

Décibels. Fond de musique cymballé, conversations perlées: 79db

Mercure: 21°c. Douillet.

l’addition. Prévisible dans son insolence: 60 euros par personne.

Minimum syndical: un Mont Blanc 12 euros.

Verdict: miettes et niet !