Paris. Brutos, début de flammes

bien !

Ce soir là, en début de service, la salle du nouveau restaurant Brutos est vide. Nous sommes les seuls à cette nouvelle adresse posée près du square Gardette, non loin de la place de la République, à Paris. Rien de pire. Non point que la tranquillité solitaire soit à fuir, mais on imagine tout de suite les soucis de la jeune équipe fraîchement installée. Sur Instagram, on a pu suivre les travaux, les murs défoncés, les retards annoncés, le lent calvaire (deux années). Puis la cuisine étincelante d’inox neuf, les dégustations de vins, l’arrivée des premiers produits, la rédaction de la première carte. On devine le chef (Lucas Baur de Campos, formé chez Robuchon, puis au ministère des Affaires étrangères), sa compagne Ninon Camille Lecomte. Mais ce soir le Brutos est toujours vide. La jeune patronne nous explique son manifesto, revendique l’Amérique du Sud (version Brésil, proche Argentine),  des viandes grillées au feu de bois, des vins nature, des légumes…Arrivent très vite des huitres avec une sauce crème fermentés aux jalapénos (petits piments): c’est délicieux. Atterrit une assiette de betteraves braisées et de navets et chou noir de Toscane, c’est exquis. On maudit alors la terre entière de ne pas honorer cette table, d’aller n’importe où manger n’importe quoi. On voudrait pousser l’équipe en cuisine, comme on le ferait au stade de football; encourager, leur dire de ne pas perdre espoir, de se battre. La viande est superbe (c’est une picanha de Galice maturée 45 jours), cuite idéalement, servie sur de la farine de manioc et accompagnée d’une sauce relevée à la cachaça amburana. Deux personnes arrivent, puis trois autres…On se sent mieux. La cuisine commence à vibrer, le service fait chauffer les gommes. Le diner ronronne alors de félicité car une grande tablée arrive encore. Et ce jusqu’à la fin du repas. La salle est alors presque remplie, les tablées festoient, le service rosit d’allégresse et de débordement. Le dessert au chocolat arrime le souvenir. A la table située près de l’entrée, une bande se serre sur la banquette, ils sont à huit sur une table de quatre. On aurait presque voulu les rejoindre, rester, faire une chenille, une hola, boire un dernier coup… Mais la vie d’un restaurant nous échappe, elle a ses propres mystères, se nourrit de frustrations, de contrariétés, puis s’illumine de flammes soudaines. C’est sans doute ce qui nous les rend vivants souvent, décevants parfois. Enthousiasmants, comme ce soir là au Brutos.

Les meilleures tables. Près des cuisines au comptoir ce doit être bien, dans l’entrée aussi si l’on est bien entouré…

Dommage. Pas donné.

A emporter. la bonne humeur.

Brutos, 5, rue du Général-Renault , 75011 Paris. Tél.: 01 48 06 98 97. Le soir seulement, fermé lundi et mardi.

Mercure. 19°c en début de service, 23°c vers la fin.

Décibels: 66 db en début, 89db vers le final.

L’addition. Comptez 40-50 euros par personne;
minimum syndical: épaule d’agneau hommous à la noix de cajou.

Verdict: ah oui !