Paris. Belle Maison, mieux qu’une promesse…

Pantruche a encore frappé

Lorsqu’on choisit le nom d’un restaurant, c’est souvent comme un engagement. A la limite, du défi, de la provocation. Rarement une promesse timide. Ici, à deux immeubles de l’hôtel Amour, dans l’ex-Maison Mère, voici donc la « Belle Maison ». Non point qu’on ait tendu des rideaux à pompons et  pendu des lustres à pampilles,- le décor est plutôt effleuré par Emilie Bonaventure avec des azuléjos muraux, des tables en bois- mais il s’agit là d’une référence à la plage située sur la côte sauvage de l’île d’Yeu (au sud de l’aérodrome). Du coup, la copie se doit d’être sacrément nacrée, écumant d’iode, au risque de rester coincée dans les mailles du filet et de faire ricaner les moussaillons de passage. Pour cela l’équipe du Pantruche et Caillbotte (Franck Baranger – Edouard Bobin, épaulé par Andrew Frost) a fonctionné dans la continuité de ces deux restaurants franchement bons, réussis. Vifs. Comme prévu, la mer est ici à l’affiche avec un traitement traditionnel comme dans les bistrots marins: bulots de Normandie (mais avec mayonnaise au foin), huîtres fines de clair, solides plateaux de fruits de mer (35€ par personne). Les plats sont du même embruns: saint-jacques bretonnes, purée de panais et laitue de mer ou encore ce filet de turbot breton servi ce midi-là avec des céleris boules-tétragone et bouillon fumé-châtaignes. Que dire de cette cuisine, si ce n’est prosaïquement, qu’elle est « bonne ». En fait, ce que vous allez tout de suite localiser ici, c’est un « toucher ». Comprenez par là que les produits ne sont pas bousculés, réinventés, ou « revisités », l’incantation faussement moderniste de notre époque. Ils sont juste gardés à bonne distance, caressés à la poêle, au four, sans ramener l’égo du chef, le knout du m’as tu vu, les flagellations aux baies roses et poivre de Sechuan. Non, il y a presque une paix dans ces plats. On pourrait (presque) en fermant (très fort) les yeux se croire sur la plage de Belle Maison, à arpenter le sable meringué. Si on n’y arrive pas tout à fait, c’est qu’il y a ici l’ambiance des tables que l’on s’arrache (réservations coton) avec une clientèle ravie d’être là (jusque là tout va bien) et qui le fait savoir (un peu moins). Les desserts, par chance, ne prennent pas le chemin des contrebandiers, ils assument  un retour cotonneux à la vie avec ce genre de composition maternante comme ces figues de Soliès rôties- financier et lait de chèvre glacé. Après, prévoyez un retour sur terre compréhensif, et ne cherchez pas de sables dans vos souliers, il est resté sur l’île. 

Les meilleures tables. Attention, restaurant animé avec clientèle galvanisée, préférez donc les bordures ou éventuellement le premier étage. Pour ma part, place de rêve au comptoir à gauche dans l’entrée.

Dommage. Réservations à l’arrache.

A emporter. Le livre de Franck Baranger et Edouard Bobin: « le nouveau bistrot » (Hachette pratique).

Belle Maison, 4, rue de Navarin, 75009 Paris. Tel.: 01-42-81-11-00. Fermé dimanche et lundi.

Décibels: 87db- 90db lorsque les gens sont très contents…

Mercure: très variable entre la proximité de la porte (attention à droite en entrant, ça caille) et la présence des fourneaux.

L’addition. Comptez 40-50 euros par personne. N’oubliez pas, il s’agit d’un restaurant de poissons.

Verdict: hissé haut, droit devant !