Julia Sedefdjian est toute jeune. À 21 ans, elle a décroché une étoile au guide Michelin (2016) aux Fables de la Fontaine, à Paris. Autant dire que ce n’est pas un chemin qui lui est tracée, mais un sillon. Pour rappel, le guide Rouge s’est tout de même joliment ramassé cette année dans sa grand messe digne de la Corée du Nord, en ne présentant quasiment pas de femmes. C’est un style, quoi. À moins de renverser une saucière dans le cou de l’inspecteur, elle devrait renouveler le bail l’année prochaine pour sa nouvelle adresse installée en lieu et place d’Itinéraires,rue de Pontoise, à Paris, à deux pas de Notre Dame et de la Tour D’Argent. Il y a pire comme voisins. Dans cette adresse à la sobriété minérale réchauffée par la blondeur des tables de bois, les premières heures appartiennent à ces réels bonheurs des débuts. Tout est frais, le sourire des serveuses, l’assurance du directeur (Gregory Anelka). Même les clients marchent sur des oeufs, posent poliment des questions, s’excusent presque de ne pas tout comprendre la carte. Bientôt, cela changera, on entrera ici comme dans un moulin, on tutoiera les plats et la carte: les clients auront pris possession de l’adresse, demanderont si l’on ne peut pas servir la poire belle Hélène sans poire. En attendant, voici une belle cuisine, délurée même avec ses accents niçois (« baieta » signifiant petits baisers en dialecte niçois). C’est pratique cette coloration, car on peut parler sans complexe, s’embarquer avec franchise comme dans ce tartare de daurade au citron vert, lait de coco au homard et citronnelle. C’est drôle même, on a l’impression alors que c’est presque facile, clair. Voici le cabillaud servi avec les fregola sarda, olives et artichaut et un nuage d’ail confit. Et finalement, on est gagné par cette emphase, cette joie. D’aucuns s’exclament déjà, crient presqu’au génie. Disons que c’est bien bon. La bouillabaisse est revue et enlevée avec esprit, sincérité, enthousiasme. Mais il ne faudrait pas trop embarrasser Julia de compliments, il faudrait la laisser douter encore un peu. Pour qu’elle prenne son temps, ses rêves, ses désirs sans écouter celui des autres.Qu’elle aille plus loin. Et nous avec.
Les meilleures tables. Il y a pas mal de coins: à droite en entrant près de la vitrine, c’est bien; mais aussi sur la gauche. Venez en début de service, comme ça vous pourrez choisir.
À emporter. L’idée que la cuisine puisse être allègre, sans prise de chou et qu’elle nous rende content.
Dommage. Au tout début, pas grand chose…
Baieta. 5, rue de Pontoise, 75005 Paris. Tèl.: 01-42-02-59-19. fermé dimanche et lundi.
Décibels. Par capillarité, à cuisine expressive, clientèle expressive: 84 db;
Mercure: variation saisonnière: 20°c
L’addition. À la carte (ouf pas de menus dégustations imposés), comptez entre 50€ et 75€.
Minimum syndical: menu au déjeuner 29€.