Paris. Akrame et sa recherche d’admiration

tentant ?

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Akrame, est-il nécessaire  de le rappeler, est la nouvelle coqueluche parisienne. Agréé par ses pairs, plébiscité par la critique, il draine derrière lui un public avide de bluff, de l’épate, de waow cuisine. Régulièrement un chef se voue à cet exercice prenant: étonner, surprendre, faire « trébucher » sur des saveurs innovantes. Dans les années 70 , ils furent des régiments à partir ainsi la sole sur une épaule, du chocolat sur l’autre. C’était le fameux dixième commandement de la Nouvelle Cuisine Gault et Millau: « tu seras inventif » (1973). Dans ce perpétuel  mouvement cyclique tradition/novation de la gastronomie, après le rigorisme robuchonien (les fameuses assiettes rivetées comme des cadrans de pendule), suivit la folie inspirée Ferran Adria (El Bulli, Espagne). Précisément, Akrame fit ses classes ici, apprit de ce choc constant qui fit se pâmer le monde entier, devant cette équation exténuante: « Est-ce la technique qui entraîne  la création, se demande t il encore aujourd’hui,  ou bien le produit qui sollicite l’imagination. ».

Aujourd’hui, ce natif d’Oran a pigé ce que le monde attendait de lui. Des miracles. Il a cru même piger qu’il fallait se démultiplier pour faire comprendre qu’il n’était pas un simple cuisinier mijotant comme au XXeme siècle, mais un vrai de vrai, couillu et protéiforme: restaurants de viande (les Ateliers Belhanda), de madeleine (Mad’leine), de paninis (Panivanda). D’être  partout dans le monde jusqu’à l’absurde (Azerbaïdjan, Manille, Hong Kong, Baku…),  de reprendre une brasserie (Devez, janvier prochain), de lancer son groupe (Akrame Power), d’être charitable…Pfou, on ne lui demande surtout pas autant. La générosité, c’est aussi d’être là. De s’occuper des clients, de faire partager son sourire qu’il porte beau.

Et l’assiette? Hélas, elle n’apparait qu’en cortège obligatoire (les  fameux menus uniques des années 2002, bientôt quinze ans !); à la limite , il ne nous reste plus qu’à choisir entre prendre sa fourchette de la main gauche ou droite (gauche, c’est plus doux). Du coup, les assiettes sont condamnées à jouer les animaux savants: l’ananas arrive en cube, mais attention, modernité radicale oblige: se prend avec les doigts et s’avère fumée (bien); le reste est à l’avenant, décalant constamment, façon caisse claire au jazz. C’est même régulièrement bon.img_0134

Voici donc le rouget avec une betterave et de la rhubarbe, avant de passer « sur » un pigeon- patate douce et cannelle et terminer dans un mic mac de rose-agrume-citron-crème brûlée-aneth et oseille. Ce genre de plaisir inlassable pousse constamment à monter le thermostat, à prendre des risques, à se mettre en équilibre sur un pied, jouer de la cymbale des genoux, parler deux langues simultanément. Bien sur, on applaudit mentalement.  On voudrait aussi  accélérer le temps, pour retrouver l’après Akrame. Ce sera alors une cuisine apaisée. Elle aura réglé ses comptes avec la reconnaissance, l’amour, l’admiration. Et là, nous aurons, j’en suis sur, le coeur d’une belle cuisine, aimante.

La meilleure table. Sans doute pas dans l’entrechambre (entre toilettes et cuisine) mais plutôt au bord des baies vitrées, voire en léger repli.

Dommage. L’obligation punitive des menus dégustations (le midi c’est moins flagellant).

A emporter. Les madeleines offertes au café que l’on peut retrouver à la Grande Epicerie, du Bon Marché.

Akrame, 7 Rue Tronchet, 75008 Paris. Tel.: 01-40-67-11-16. Fermé samedi et dimanche.

Décibels: 76 db , babil urbain d’un restaurant gastronomique.

Mercure: contrôlé 20-21°c.

L’addition. Les menus sont donc imposés et évoluent le soir de 115 euros (4 plats) à 145 euros (6 plats).

Minimum syndical: au déjeuner, le menu imposé à 60 euros (3 plats).

Verdict: pour les amateurs d’épate.