Logiquement, les petites mousses arachnéennes qui ornent les assiettes dans le coup devraient signifier la légèreté, une grâce quasi irréelle qui viendrait couronner ces créations de l'instant. Ces mousses sont souvent créer par des appareils sophistiqués qui en une pression de main vous délivrent des <spumente> d'avocat, de carotte, de pissenlit ou d'araignée de mer, il suffit de glisser dans le réservoir le métal que vous souhaitez apposer à votre plat.
Depuis quelques saisons, la mousse sévit et n'a pas l'air de céder le terrain. Mieux encore, elle qui rayonnait à Paris, arrive à présent dans les régions, comme on dit prudemment à Paris, c'est un peu comme les fuites d'eau, les auréoles, tardent toujours à se manifester, mais lorsqu'elles couronnent les plafonds, c'est tenace. Le problème de ces mousses, c'est qu'elles ne traduisent rarement l'effort d'un saucier qui aurait battu sa sauce dans un effort désespéré pour l'immortaliser, non, ce n'est qu'un artifice malin venant apporter de la confusion. Bien souvent hélas, le service vient trahir les intentions du chef. Ce qui n'était que légèreté et fragment de l'esprit , devient alors un résumé piètre et disgracieux, se coagulant dans l'attente. La cuisine, on le sait, procède à l'illusion et bien souvent, c'est ainsi qu'elle nous enchante.
Mais lorsque l'on transforme une banale escalope de veau en panierschnitzel, alors là, le monde s'éclaire, s'amuse et se délecte si le bazar est bien tourné. La mousse a pourtant bien des vertus, celle des bières, celle du chocolat et même celle qui se dépose avec le temps. Les Anglais disent ainsi, a rolling stone gather no moss. Pierres roulantes n'amassent pas mousse.