La table dans l'univers cinématographique de Jean Dujardin ne pouvait constituer qu'un irrésistible attrape-mouches. Dans le film OSS 117, Le Caire Nid d'espions (2006), la scène du restaurant ouvre du reste le tir (photo ci-contre). Dans cette bonne vieille adresse parigote à la René Coty, saucière à mort, notre héros est comme dans un magasin de bonbons. Il s'en va chatouiller un volatile emplumé, sautille sur la banquette de moleskine, pendant que son supérieur lui parle de l'intérêt de la France. Le mot de passe fusera de ce déjeuner (Blanquette de veau) car le vocabulaire de la table est sans doute un sacré tremplin pour l'ambivalence, le maquillage et les codes secrets (Radio Londres et ses carottes cuites).
La salle ronronne autour du duo. Les abat jours donnent la réplique aux couperoses attablées, la France parfois est ainsi. Non point debout aux aurores comme le souhaiterait tout bon gouvernement, mais souvent, attablée, les coudes sur la table, la main à portée du pichet de brouilly. Faut-il rappeler que c'est une France qui fout le camp. Il est rare de retrouver ce genre de climat. Au déjeuner, les espions croquent une salade d'endives au quinoa, filent faire des UV, accumulent les miles, et partent mater les donzelles sur Internet. Si le film nous fait rire tendrement, c'est que ce temps-là est bien fini. C'était l'époque des harengs pomme à l'huile, des notes de frais maquillées et des rires avec beurre et cornichon.