Je ne sais pas pourquoi, mais aujourd’hui j’ai envie de parler de…

l'ananas

Tous les matins, j’en prends au petit déjeuner. J’aime bien sa façon de représenter le soleil dans mon assiette, c’est comme un hymne à la bonne humeur… Aussi lorsque le magazine Beachcomber m’a demandé d’écrire un petit papier sur ce thème, ni une, ni deux…

L’ananas, le fruit fier

Il faudra bien un jour saluer, honorer, ces brigands, ces flibustiers, ces trafiquants qui, au péril de leur vie, de leur raison et de leur vie privée, traversèrent mers et ouragans pour nous offrir aujourd’hui des merveilles de fruits, d’agrumes et d’épices. Dont l’ananas.

Soyons clairs, si nous étions restés les deux pieds dans les mêmes sabots, l’assiette serait triste et notre santé fluctuante. Car à l’énergie débordante de ces héros à l’envers, de leur âpreté au gain, les graines, pousses et semences traversèrent les océans. C’était le temps où la nature n’était pas menottée en licence par les trusts l’agro alimentaire. Les floraisons, transplantations fleurissaient abondamment, nous délivrant aujourd’hui une terre métissée, croisée, enrichie.

L’ananas et l’île Maurice appartiennent à cette histoire tumultueuse et féconde. On date l’arrivée et la culture de l’ananas vers le XIXeme, mais comme souvent, il faut peut être remonter plus en amont pour trouver des traces de cette plante herbacée. Celle ci est très particulière. Elle n’aime guère l’eau, car elle y perd de l’énergie. Y corrompt ses racines et préfère avoir le nez au vent. Souvent polenisés par des oiseaux-mouches, ces plantes connaissent un moment rare. Il ne dure qu’une journée et délivre des fleurs bleues. Après c’est fini.

Pour retrouver l’ananas, mieux vaut aller sur les marchés. Car le marché fait partie de la vie de l’ananas. C’est ici qu’elle connait son heure de gloire, son terroir et sa bonne humeur. Cela fait partie de la vie d’un fruit de connaitre ces instants bruyants, vivants ou soudainement, avant de passer à trépas, l’ananas vit des instants où après avoir été élevée, la voici désirée.

Sur l’ile Maurice, les marchés abondent. c’est comme un sport national. Toute les communautés confondues s’y retrouvent. On y croise même parfois des touristes élevés hors sol, maitrisés génétiquement. Celui de Port Louis est le plus connu. Il est formidable dans sa diversité, ses petites échoppes, ses nourritures de rue (« street food » pour parler comme dans les journaux) et le bonheur de vivre ensemble. Mais si vous cherchez une expérience unique, authentique mieux vaut sentir des sentiers battus et vous rendre vers des  pépites de vie et d’animation à savoir les marchés de Goodlands, au sud de Grand  Gaube ou encore celui de Mahébourg. Non, ne nous remerciez pas, c’est un plaisir de vous embarquer ailleurs.

Regardez bien l’ananas de l’Ile Maurice. Elle n’est pas bien grande (15 à 20 cm). C’est loin d’être un défaut. Les spécialistes viendront même vous glisser à l’oreille que vous tenez-là la reine (c’est du reste le nom de la variété: Queen) et plus précisément de la Victoria, sans aucun doute la meilleure variété de l’ananas, celle revendiquée par les grands restaurants. L’ananas a du caractère. Visez sa robe en écailles, jouant les hexagonales, prisant les diagonales. C’est comme un plastron, une cote de maille. Une sorte de fierté, limite arrogante comme s’il fallait cache un trésor. Ce qui est le cas.

L’ananas a beaucoup d’arguments. Des vitamines à gogo, de la fibre, de la bonne humeur, des oligo éléments. Grosso modo, elle vous aide à mieux digérer, à bien vous nourrir sans trop apporter de sucre (tout est là). Elle a donc un bon caractère.

Voila pourquoi aussi, elle arrive dans la cuisine comme une matrone. Non point pour faire la loi, loin de là, mais pour aider, débarrasser, accompagner, soulever les plats. Elle fait tout le boulot. Apaise les viandes, les amadoue (dans le registre sucré salé). Elle avive les poissons, les déplace vers une autre chanson. Elle donne de la vie aux salades, des sourires et fonce droit dans le buffet question desserts: mousse, crumble, jus, gâteaux. On la retrouve dans sa nature. Fière certes, mais généreuse.