Napa Valley 8/10. Allons chez Josh Skenes…

et son qui-vive monstrueux


Huitième leçon, la modernité inquiète

Une heure de voiture plus tard, scandée par les ponts majestueux de San Francisco, la réservation au restaurant Saison, du chef propriétaire, Josh Skenes, se présente comme un parfait contrepoint. Dans cet entrepôt situé non loin du Musée dArt moderne, place à la cuisine contemporaine. Celle-là même qui se dépouille en prenant de la hauteur, agrippant trois étoiles au passage, visant le produit. La cuisine se joue en direct devant une trentaine de clients répartis non loin des fourneaux. Matériaux bruts mais de qualité, bois, métal, verre et un public aux taquets. Chose étrange, alors que l’atmosphère est détendue, se superposent des musiques pop rock style Freddy Mercury  comme s’il fallait ajouter un élément joyeux, énergique, surjoué, contrastant avec l’extrême sériosité du service et des cuisiniers. On réalise alors qu’un restaurant est une somme d’attention, de gestes quotidiennement renouvelés, de cuissons au feu affinées à l’éventail japonais. Et même cela, et même malgré un succès retentissant, l’adresse de Saison est sur un qui vive monstrueux. Une miette de pain se met elle de travers qu’immédiatement, sans que personne ne le remarque, les regards des pros se croisent, fusillent, surlignent, toisent, invoquent les grands dieux. Et ce à l’insu des convives. Car il ne s’agit pas de parasiter cette communion entre une addition fort élevée, des connaisseurs en total éveil et une assiette perchée haut. Les techniques de cuisson sont irréprochables et suivent les produits dans leur nature. Qu’ils soient gambas géantes juteuses à souhait, oursins, viandes, légumes…l’interprétation est parfaite, surprend à chaque fois par la justesse du produit, sa véritable nature: le crabe fut-il émietté est servi de façon parcimonieuse. On ne peut être que saisi par cette traduction au plus proche de l’intitulé. Le service tendu à souhait ressemble à un petit ensemble orchestral de cordes, accompagnant dans l’articulation des énoncés, des rotations du buste, de retrait digne de danseurs d’opéra, même si parfois n est plus proche du balais que du ballet. Un diner au Saison appartient bien évidemment à la catégorie « expérience », tant l’interaction du lieu, de la ville, des vins (sélection terrific) et des mets contribuent à cette sensation rare. C’est sans doute également une des leçons de cette table brillante: lorsque l’on pousse la porte du restaurant en repartant, on regagne certes la ville, maison peut goûter la continuité de l’esprit de celle ci et le caractère du restaurant.

  • Abépé
    18 janvier 2018 at 18 h 12 min

    Donburi on the last picture?
    Merci en tout cas pour votre singularité si rare et précieuse.

    Arthy