Napa Valley 10/10. Finish en douceur

C'est chez Gary Danko

Dixième leçon, vintage is always good

 

(Pour le guide 2018 des Relais & Châteaux, j’ai eu la chance de partir en voyage avec le photographe Yann Stofer pour un superbe voyage …)

La cuisine californienne n’est pas seulement animée par des chefs brillants, caracolant dans les classements et assénant des plats « signature », il est des maisons aussi enthousiasmantes à l’image d’une institution de San Francisco, Gary Danko. Il suffit de se poster à l’entrée pour savourer l’énergique brassage des tablées prospères. Voici l’Amérique vivante, puissante, bon enfant, s’attablant pour en découdre avec la cuisine raffinée. Celle d’un autre temps. Aujourd’hui, on imagine les nouveaux dieux de la gastronomie se pencher avec effroi  au dessus du saumon et sa sauce au concombre et à la moutarde, sa cuisson un peu poussée et son habillage surannée. Pourtant, c’est ici que toutes générations et provenances confondues, on vient célébrer un anniversaire (nombreuses bougies traversant la salle), profiter de la vie avec une bande son formidable. Celle des voix. Pas  besoin d’une musique vitaminée, l’énergie est dans la salle, dans les conversations, les habits mêmes dans leur volubilité. Gary Danko est une table délicieusement datée avec ses lumières complices, ses pénombres champagne, ses velours et abats-jours. On festoie joyeusement au dessus des huitres accompagnées de caviar, de perles de courgettes et de sauce crémé. Ou encore d’un très sérieux filet de boeuf avec gnocchis, huile d’olive et sauce beurré au stilton. Le plateau de fromage a les reins solides et lorsque le soufflé au citron arrive avec son tendre dôme,  personne ne se rebiffe lorsque le maitre y dépose la crème fraîche à la panna cotta et le  sorbet à la framboise. Le sommelier profitant de l’émoi de la tablée peut alors verser son riesling, Cloudy Bay, Late Harvest, Marlborough, Nouvelle Zélande 2008.

 L’énergie se nourrissant d’elle même, le service a du s’adapter non sans talent à cette clientèle nature et volontaire. Lorsqu’on vous présente la carte, la bienveillance est quasiment inscrite en frontispice. Rien d’imposé, tout peut être modifié selon ses désirs, il y a bien un menu dégustation pour les acharnés du ligotage, avec ses associations, mais « surtout, surtout » supplie le directeur de salle, « faites vous plaisir !». A la bonne heure. La carte des vins est une des plus brillantes de l’état, et comme sur un toboggan, il vous restera a laisser la soirée filer comme une étoile (du reste accrochée par le guide rouge), avec le bonheur communicatif des tablées, et en sortant au dessus de la baie, l’air frais d’une Californie joueuse, debout, valeureuse, bataillante.