La Cigale, prendre Nantes par la taille
Il y a peu pour M le Monde, je me suis rendu à la Cigale, à Nantes. En voici mon sentiment !
Ce devait être comme ça les brasseries. Dans leur jus, leur gouaille, mélangeant les classes et les genres. Un jour, le style javellisé par les groupes reviendra. Il sera à la mode de manger gentiment à prix décent des plats populaires. Ici et là, pourtant, il existe des ilots dé résistance. Des sortes de banquise qui auraient dérivé impunément. La Cigale, à Nantes, créée en 1895 en fait partie. Ne pensez pas pour autant qu’elle aie été délivrée de la sorte. Si la décoration intérieure et ses céramiques ailées (partout des cigales stylisées en modern style) furent cassées aux Monuments Historiques (1964), elle fut au bord de l’agonie dans les années 70. Il n’y avait pas un chat, juste quelques junkies gothiques et des armoires réfrigérées se hissant douloureusement au statut de self service. Mais il y avait une âme suffisamment solide, des fantômes aimants (Jacques Prévert, André Breton) et des images ravissantes: Jacques Demy y tourna Lola en 1961. Voila sans doute pourquoi, remontée à l’huile de coude et solidifié par un professionnalisme débonnaire, l’adresse est encore pimpante. La carte oeuvre dans tous les coins, réécrit les intitulés, se démène avec entrain. Les serveurs brassent les tartares, surjouent la bonne humeur, serrent quelques louches et délivrent presto des assiettes gaillardes et senties. Dos de cabillaud écrasée de pommes de terre coulis à la coriandre fraîche, fruits de mer nacrés d’iode, desserts par brouettées. il doit bien y en avoir une bonne trentaine dont un couleur café avec un solide caractère (café broyé, crème fouettée maison). Des touristes y prennent la ville par la taille espérant retrouver les sensations d’André Breton: « Nantes, écrivait il, : peut-être avec Paris la seule ville de France où j’ai l’impression que peut m’arriver quelque chose qui en vaut la peine, où certains regards brûlent pour eux-mêmes de trop de feux ».
Place de choix: hum incontestablement, celles qui donnent sur le cour Cambronne (la 208 notamment).
Dommage: Parfois, en cuisine, on expédie trop vite. Des plats certes corrects comme le pavé d’espadon mi cuit arrivent dans un vrac un brin limite.
A emporter: L’idée de séjourner à Nantes, profiter de la belle place Graslin réhabilitée, de savourer un poisson au beurre blanc.
Décibels: 74db au déjeuner, le clapotis enjoué d’une clientèle volontaire.
Mercure: 24°c en adéquation avec cette journée d’été.
Addition: comptez 45€.
Minimum syndical: Des formules à partir de 15€; difficile de s’y ruiner sauf en cherchant la grosse bête( le homard de 500r à 59€).
Verdict: oui avec un vrai plaisir.
Passage à l’acte: La Cigale, 4, place Graslin, Nantes. Tel.: 02-51-84-94-94. www.lacigale.com. Ouvert tous les jours de 7h30 à 0h30.