Michelin, un millésime vraiment mou du genou…

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Les fuites du millésime 2010 deviennent constantes, voici ce que l'on pense de ce qui nous attend.

Je reprends le papier sorti ce samedi dans le Figaro avec quelques annotations supplémentaires sur ce guide Michelin. Il sortira dans deux semaines, mais déjà, les tendances du millésime 2010 filtrent.

Le guide, c’est clair, a du racler les fonds de tiroir… Comme chaque année, avenue de Breteuil, au siège du guide Michelin, c’est la même atmosphère plombée. Parano à tous les étages, on se demande ce qu’il va pouvoir tomber sur la tête. Encore un libraire ouvrant le colis de guides une semaine en avance comme cela se fit en Corse ? Un chef se retirant de la course aux étoiles, comme Senderens, Westermann, Veyrat, Roellinger…Pfuit, à la limite, le guide a tout connu, il ressemble à une vieille dame neurasthénique parlant toute seule dans la rue.

Les inspecteurs comme à chaque fois sont dans le collimateur, on les a menacés de surveiller leurs postes portables. Mais ça fuite toujours, une tradition de la maison. C’est presque devenu un jeu digne du guignol, digne de l'Aile ou la Cuisse. Chaque année, les résultats sortent et dix jours après se tient, comme si de rien n’était, la conférence de presse. Le guide lui sera en librairie début mars avec en avant-goût cette année, l’éditions des bonnes petites tables.

Ah oui, petite question, qu’y a t il de savoureux cette année dans notre bon guide Rouge ?

On imagine les réunions du mois de décembre pour fixer les nouveaux trois étoiles. D’abord, il y eut au sein de la maison Michelin une soufflante venue de la haute direction souhaitant que le guide redescendent sur terre et arrêtent de fayoter, la langue sortie, avec le luxe indécent des palaces (on venait de couronner Frechon, au Bristol élyséen).

Que diable, il ne faut pas oublier que le Michelin, c’est une entreprise de pneumatiques ; que la clientèle a les pieds sur le bitume. Virage à 180°c donc. Mais consternation. Qui pouvait-on couronner de la sorte ? On chercha dans des régions un peu au rencart style Languedoc-Roussillon. Le Michelin n’a pas été tellement chanceux avec cette région. Car, lorsque le guide se prit de marketing aigu, il couronna un peu à la va vite les frères Pourcel (1998), à Montpellier, avant de leur retirer la troisième étoile quelques années après (2006).

On chercha et finalement on trouva, le portrait robot d’un chef patron méritant, valeureux et pas aider par un emplacement pas piqué des hannetons, Fontjoncouse, dans les Corbières, 133 habitants à 32 kilomètres de Narbonne. C’est bien simple, la clientèle était si rare que Marie Christine, l’épouse du chef Goujon, un beau jour d’hiver, mit des bougies indiennes sur le pas de la porte comme pour conjurer le sort. C’est dire.

Que vaut la cuisine de Gilles Goujon ? Vous allez voir, c’est une cuisine Michelin, donc vaguement datée, valeureuse. Pas mauvaise du tout, mais un peu compliquée, voulant prouver dans tous les coins que l’on est à la page : structures verticales, elliptiques, signatures ourlées de caramel de sauce, petits recoins en mini-portions. Par chance Gilles Goujon est d’une nature déterminée, et alors qu’ailleurs on se fracasserait dans ma mièvrerie empruntée, il sait rester un chef physique, bousculant le produit dans ses retranchements.

Il s’appelle Gilles Goujon. Il délivre de la belle cuisine à l’instar du plat suivant goûté il y a deux saisons: un loup de Méditerranée sur une tarte sablée au parmesan, concassée de tomate, pommes paille roulées en cercle (c’est écrit « contemporain » sur la carte) et puis un sorbet tomate-basilic glissé dans un tube de verre façon pousse-pousse, histoire d’amuser la galerie. C’est une cuisine qui semble s’enivrer d’elle-même, séduite par son propre don.

Elle ressemble à ces cuisines du siècle dernier avec sa bonté, expression un poil datée, mais franchement spontanée. Personne n’ira jeter la pierre à Gilles Goujon et ses nombreux amis devraient faire une fête à cette promotion très vertueuse et morale. Mais que va ton dire à des chefs comme Eric Briffard au George V, à Paris ? Sa cuisine est techniquement supérieure, ses idées vives, le service en salle avec Eric Beaumard l’un des plus brillants au monde. Tarifs : deux étoiles. On n’y comprend plus rien ou l’art de se mordre la queue. Dans une heure, d'autres petits commentaires…

  • rod
    25 février 2010 at 19 h 28 min

    j’avais lu votre papier dans le figaro, et enfin je trouve quelqu’un de mon avis sur l’auberge du vieux puit…en mieux expliqué bien sûr…
    AH au fait, vous pourriez passer à Toulouse un de ces jours, il y a quand même quelques adresses dans notre belle ville rose

  • SERIEUX
    26 février 2010 at 10 h 49 min

    Franchement, François Simon, si vous souhaitez tacler le guide Michelin à la conduite moins rectiligne que les pneumatiques de la maison mère, choisissez la bonne cible : le guide mais pas les chefs objet de leur choix. A fortiori, comme vous le suggérer, quand des consignes internes auraient guider les rédacteurs. D’ailleurs vous mêmes faites un pas un avant et un demi en arrière quand vous railler le choix de Gilles Goujon avant de reconnaitre,la qualité de son application et de sa cuisine, comme pour tempérer un coup de griffe un peu injuste à l’égard du chef. Pour avoir goûté et regoûté la cuisine de l’Auberge du Vieux Puits des deux dernières saisons, vous êtres à côté. Précisément, c’est sur l’horlogerie et l’homogénéité du service en salle que vous auriez dû tiquer en regard d’un classement trois étoiles. C’est tout.

  • SERIEUX
    26 février 2010 at 11 h 23 min

    Franchement, François Simon, si vous souhaitez tacler le guide Michelin à la conduite moins rectiligne que les pneumatiques de la maison mère, choisissez la bonne cible : le guide mais pas les chefs objet de leur choix. A fortiori, comme vous le suggérez, quand des consignes internes auraient guidé les rédacteurs. D’ailleurs vous mêmes faites un pas un avant et un demi en arrière quand vous raillez le choix de Gilles Goujon avant de reconnaître, la qualité de son application et de sa cuisine, comme pour tempérer un coup de griffe un peu injuste à l’égard du chef. Pour avoir goûté et regoûté la cuisine de l’Auberge du Vieux Puits des deux dernières saisons, vous êtes à côté. Précisément, c’est sur l’horlogerie et l’homogénéité du service en salle que vous auriez dû tiquer en regard d’un classement trois étoiles. C’est tout.

  • François G
    26 février 2010 at 14 h 34 min

    Nous sommes parfaitement en phase à propos d’Eric Briffard. Autant Eric Fréchon ne mérite pas plus de deux étoiles, autant ne pas attribuer la troisième au Cinq serait une injustice flagrante. Mais le Guide est coutumier du fait, rappellez-vous Eric Guérin…

  • rfe
    26 février 2010 at 19 h 30 min

    Salut François Simon,
    Une info qui a été publié ailleurs, avec entretien avec le chef au salon Omnivore, les deux étoiles de Jean Sulpice à l’Oxalys à Val-Thorens.

  • Laurent
    26 février 2010 at 23 h 23 min

    et l’orthographe, françois ????

  • rfe
    27 février 2010 at 7 h 39 min

    Salut François Simon,
    Finalement cela doit fuiter d’un peu partout. Exemple dans Sud-Ouest avec les promotions 1 étoile du Château de Lacan, du Château Castel Novel à Brive, de Ambrosia Restaurant à Castres, du Pressoir d’Argent et Gabriel à Bordeaux, de la perte de 2ème étoile pour Hélène Darroze à Paris. Ailleurs, sur le site Kouz Cooking, promotion à 2 étoiles pour la Bigarrade à Paris, L’Auberge des Grazicks à Plomodiern et le SaQuaNa à Honfleur.

  • Fred
    27 février 2010 at 10 h 58 min

    Bonjour, totalement d’accord avec vous sur ces analyses mais vous donnez vous même la réponse pour Eric Briffard, le Michelin ne peut pas étoiler chaque année un Palace !!!

  • Marc Neeloff
    1 mars 2010 at 17 h 32 min

    Mais la fuite est une institution chez Michelin ! Comment voulez-vous garder de tels secrets lorsque dès la mi-décembre entre 60 et 80 personnes, issues des différents services (inspecteurs, direction, rédaction, marketing, cartographie…) ont déjà vu passer les épreuves au siège des éditions Michelin avenue de Breteuil ? Ensuite, la rumeur court, court, court et depuis très longtemps…
    Quant aux nouveaux étoilés, il ne faut pas nier les douces évolutions (à défaut de révolution) du Michelin : récompenser une table comme celle d’Adeline Grattard (Yam’Tcha) est un vrai progrès : c’est minuscule, on mange sur des tables en bois et les toilettes sont à deux pas de la table ronde. Il y a quelques années, cela aurait été rédhibitoire… Les inspecteurs se renouvellent doucement et des jeunes arrivent. Alors, attendons encore quelques années que la vieille école parte à la retraite… En revanche, le guide reste un outil politique important. Mais c’est une autre histoire.
    Marc Neeloff – http://www.atabula.com

  • djibrill
    3 juin 2010 at 16 h 00 min

    Mais quand on agit masqué , qu’on vit sous un pseudo et qu’on évite toute photo tout ça parce qu’on prétend être critique culinaire c’est à mourir de rire…Le James Bond de la cuisine…L’espion qui venait du Frigo !!!C’est drôle de voir moniseur Simon parler du goût du secret de Michelin!!
    Simon ça rime avec Bouffon !!!