Mélanie et Amélie Huynh , soeurs sourire

un château et une passion


 

Pour Air France magazine, j’ai eu la chance de faire cette petite promenade avec mon ami, le photographe Yann Stofer…

 

Cette famille franco-asiatique s’appuie sur le dynamisme souriant de deux soeurs éprises d’une château endormi, celui de Malromè, en Gironde, là où Toulouse-Lautrec trouvait refuge l’été venu…

Rien de plus troublant que deux soeurs, une famille. Les ressemblances affluent, troublent. Pourtant ce que l’oeil cherche aussi, ce sont souvent les instants de fuite, de divergence. La singularité. Déjà les deux prénoms sont comme des mains jointes, les doigts croisés: Mélanie Huynh, l’ainée de deux ans, Amélie, qui la suit. Quelle est la main gauche, la main droite? La plus rêveuse, la plus carrée?

Cette famille franco-asiatique  (Normandie et le Cambodge où s’installèrent les grands parents chinois) a jeté son dévolu (2013) sur une propriété du bordelais, dans l’Entre-deux-mers,  le château de Malromé,  mêlant lui aussi les consonnes, les voyelles, les histoires, les hectares et les cépages.

Une famille illustre renommée les précédèrent. La comtesse Adèle de Toulouse Lautrec, la mère d’Henri (1883). Puis l’illustre artiste qui y trouva la paix jusqu’à sa disparition prématurée (37 ans).  D’où un culte entretenu depuis lors dans des bâtiments datant du XVeme, passant de mains en mains , sortant encore groggy, avant de ressusciter après deux ans de restaurations poussées par l’architecte Laurent Negretti.

Aujourd’hui, la lumière laiteuse joue avec la pierre blonde. Emilie et Mélanie viennent d’assister à l’accrochage d’une exposition de costumes de Nicolas Delas. Le château Malromé ne compte pas s’enfermer dans un rôle dévolu ni enjamber le rythme du temps: 32 hectares d’un bordeaux supérieur à ambition affichée. C’est également  les appartements fin XIXeme conservés dans leur jus, l’atelier d’été d’Henri de Toulouse- Lautrec. Mais aussi le miel butiné maison  (19 ruches produisant le miel acacia, châtaignier trèfle; toutes fleurs), un café restaurant affiné en décoration par Isabelle Stanislas, et mitonné aux fourneaux par Manon  Negretti (ex- Semilla, à Paris, actuellement café Ineko).

On réalise alors que ce château  buterait à nouveau dans les dédales des réhabilitations, trébucherait s’il n’y avait le regards croisés de ces deux soeurs bien aimantes. Mélanie est styliste de mode. Elle recherche également du coté des cosmétiques. Mélanie, s’est portée vers l’orfèvrerie, la parfumerie. Elles partagent le même style de boots, la première en Yves Saint Laurent (pointure 39), la seconde passe en 37, Isabelle Marrant. Chocolat noir ? Bien sur, on reste dans la même densité:  90% pour l’ainée, 72% pour la cadette. Pendant que Mélanie a une manie jouissive de passer l’éponge pour rendre la cuisine nickel, Amélie, lorsqu’on lui demande également son geste préféré, aurait plutôt tendance à faire un baiser sur les paupières.

Toutes deux  s’entendent bien. Elles s’aiment comme deux soeurs. Veillent l’une sur l’autre, se sont construites en réciprocité. Elles s’appellent, se voient presque tous les jours, partent en vacances ensemble. Elles vouent un culte pour les héroïnes, les femmes fortes comme Coco Chanel, Kate Moss, la série « Ghost in the shell » (Major, alias Matoko)…. De l’Asie paternelle, elles pensent avoir hérité de l’amour du travail bien fait, la dimension de maitresse femme, du caractère et de la rigueur. Elles partagent le même amour pour les Cure, Sex Pistols, The Clash. Si l’une est plus attirée par le glamour lamé de la mode, l’autre préfère de loin, les pulls trop grands, les bracelets qui ont vécu, l’absence de marque, le dénoué délié, la loose amusée. Vous avez deviné laquelle…

Lorsqu’il était question de des doigts entremêlés, on réalise alors que leur entourage professionnel est en écho constant   . Entre l’architecte, la cuisinière, le régisseur, la chargée de la conservation du patrimoine, des liens, des noeuds solides, des ficelages radieux qui ne sont pas sans rappeler l’accrochage récent au château, du photographe japonais Araki et ses fameux bondages, discrets au demeurant pour ne pas (trop) effrayer le voisinage.

Château Malromé semble alors comme conforté dans ses errances, ses retours, ses résurrections. On a presque l’impression d’être dans une histoire vibrante encore. Elle se déroule sous nos yeux avec ses cépages, voyelles et consonnes, ses soeurs aux regards apaisés.

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Château Malromé, 33490 Saint-André-du-Bois. Tel.: 05-56_76-25-42. www.malrome.com. Visite historique des appartements du peintre d’Henri de Toulouse-Lautrec.