Avec Sebastien Le Fol, nous avons repris ce qui nous plaisait tant au Figaro Magazine, des papiers (cela s'appelait Attitudes), où l'on s'amusait de la superficialité des choses. En fait, rien de plus tendre pour en tirer du sens. La rubrique s'est arrêtée. Et puis au détour d'un couloir, on s'est dit que l'on remettrait le couvert au Figaro Quotidien pour une série de papiers baptisés Duel au soleil. En voici un parmi d'autres, rédigé par votre serviteur. Il me reste à vou servir Velo ou Vélib, et Ducasse ou Robuchon…
Quant aux parfums et autres senteurs, je vous prépare un rendez vous pour la rentrée qui pourrait s'appeler <pshittt, pschittt…>. Faut voir…
C’est à peine s’ils se disent bonjour chez le chocolatier
Jean Paul Hevin, rue Saint Honoré, à Paris. Deux univers ? Vous
plaisantez : deux contraires. Et boudeurs avec cela. Et contrariés. Un
rien les fait bondir, un souffle les émoustille, ils sont aussi fragiles que le
papier aluminium de leur tabernacle. S’ils ont quelque chose en commun, les
amateurs de chocolat noir et ceux du chocolat au lait, c’est sans doute leur 21
janvier, la mort de leur roi. C’était la directive européenne de Bruxelles 2000/36/CE, autorisant dans le
chocolat l’adjonction de six matières grasses dans la limite de 5%. C’était le
21 juin 2000. Ce jour-là, ils étaient moins souriant à la fête de la musique.
En plus, il faisait bigrement chaud, l’ennemi du chocolat, il fond dans les
doigts, pas dans la bouche. Il y a des jours comme ça.
Ils sont intarissables sur une même passion, le chocolat.
Ils connaissent les taux d’antioxydants, parlent le Bernachon, le Hevin sans
accent. Méditent sur les audaces du temps (tiramisu, crème brûlée) mais ne
cherchez pas à la réunir, c’est Auteuil et Boulogne au Parc des Princes.
Les amateurs de chocolat noir sont un peu plus martiaux.
C’est un peu la haute. Ils se la pètent. On ne sait pas pourquoi. Cela a dû
commencer avec les taux d’amertume : 45% puis 60%, puis 72% ; c’est
un peu comme monter l’Everest sans bouteille d’oxygène. Certains parlent même
d’un 100%. C’est pathétique parce que c’est immangeable. Mais ils aiment ça,
comme une rédemption, une folie en carré, un knout lascif. Les amateurs du noir
sont des sensuels, mais
attention, ils ne perdent jamais
le contrôle : ils savent où il faut être. Ils sont cérébraux et utilisent
le chocolat pour son adrénaline, ils le saisissent sous les incisives
comme s’ils prononçaient des diphtongues. Ce sont des grandes personnes à
double garage, vacances amples, responsabilités illimitées. Ils aiment bien
choisir le vin au restaurant, leur taux d’imposition, la chaise à la piscine.
Achètent encore du Knoll, relève leur col de leur Lacoste, s’arrangent souvent
pour avoir le dernier mot.
Lorsqu’ils entendent cela, les amateurs de chocolat au lait
ne répondent même pas. Ce monde-là ne les concerne pas vraiment. À la limite,
ils feraient répondre par leur GPS. Ils s’en contrefichent : la vie est
douce, l’enfance est encore présente dans le coton de leur vêtement. S’ils le
pouvaient, ils assisteraient aux réunions, le pouce dans la bouche. La vie
devrait être ronde comme un abricot, des fesses, l’arrondi d’une automobile,
d’un coussin, d’une glace à la crème chantilly, d’une chanson de Divine Comedy.
Ils devraient habiter sur un alpage de la tablette Milka Suchard. Les montagnes
sont mauves, leur cœur est rose.
N’essayez pas de les faire changer, l’existence se doit d’être buccale :
le sein (omniprésent), le verre (syrah), le verbe (enveloppé), la langue (glace
en cornet), les baisers. Ce sont des personnes assez consensuelles, fuyant les
conflits (les laissant aux martiaux),
se réjouissant que la moquette revienne à la mode ; le
carrelage les vitrifie. Ils ont choisi de longer la vie, la laisser vivre, la
presser allègrement et attendre sans tourment le quatrième age. Ils s’y voient
déjà avec quiétude. Avec un grand avantage sur les amateurs de chocolats noirs.
Eux, devront alors encore croquer.
Alors que les amateurs de chocolat au lait, feront, comme ils ont fait pendant
toute leur vie : sucer.
Dress code :
Lait : Burberry
Noir : Margiela
Maitre à penser :
Lait : Marguerite Duras
Noir :
Arthur Schopenhauer
Icones
Lait : Marie France
Noir : Kate Moss
Livre culte
Lait : Stendhal
Noir : Bataille
Nectar préféré
Lait :Bailey
Noir : vodka mirtille
Lieux de Villégiature
Lait : Megève
Noir : Danzig.
Bande son
Lait : Linda Lemay
Noir : New Order
Peche mignon
Lait : onanisme
Noir : chemin de Saint Jacques de Compostelle
Fetiche
Lait : peignoir
Noir : draps
Carnet d’adresse
Lait : Monte Carlo Beach Club, Roquebrune.
Noir : la Gazetta, 29, rue de Cotte, 75012 Paris.
rodi3113
30 juillet 2010 at 11 h 52 minDe loin le texte le plus captivant, réaliste, tendancieux et appétissant que j’ai lu depuis longtemps!
Et c’est un amateur de chocolat blanc qui vous fait le compliment.
R Saint-Drenant
Marie-Claire
30 juillet 2010 at 12 h 09 minC’est un peu embêtant, ces étiquettes collées aux gens.
Vincent
30 juillet 2010 at 12 h 40 minBande son Linda Lemay. Vous etes dur avec les amateur de chocolat au lait.
miam!
30 juillet 2010 at 13 h 53 minExcéllent !! (dise l’amateur du chocolat noir qui aime croquer la vie… miam !)
christine
31 juillet 2010 at 9 h 40 minUn bel éclat de rire ce matin avec ce post!Toute une vie de conflits entre mon mari, amateur de chocolat au lait et moi-même qui préfère le noir…A quand la lutte vin blanc/vin rouge,viande/poisson,pommes de terre/légumes, jus d’orange/jus de pamplemousse, pain blanc/pain complet, dessert/fromage etc ?
so
31 juillet 2010 at 9 h 50 minOh si Pars part comme ça… c’est si bon.
Le Littérroriste
6 août 2010 at 15 h 30 minCher François, on peut prolonger de la sorte :
Architecture :
Lait : Franck Gehry
Noir : Jean Nouvel
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