Mais quel est mon sentiment sur …le Bascou ?!

DSC02015Le charme discret du Bascou

On pourrait rêver de croiser ces tables plus souvent. Ces étranges étoiles presque évaporées, étincelant derrière un nuage. Ces talents vif argent apaisés, rangés dans du papier soie. La célébrité passa par là, les firent tourbillonner puis s’en alla ailleurs, butiner, étourdir une autre tête. Bertrand Gueneron appartient à ces chefs qui ont choisi de faire un pas en arrière, comme pour préserver une flamme intacte, une passion crue et noble.

Il y a bientôt une trentaine d’années, il officiait auprès de Alain Senderens lorsque  celui ci caracolait avec trois étoiles bien pensées au Lucas Carton. Il aurait pu continuer très fort et très haut (il fut à deux doigts de rentrer au Crillon), mais la vie le guida ailleurs dans un retrait murement réfléchi.Puis il réapparut il y a une dizaine d’années dans son propre restaurant, le Bascou, à deux pas de la place de la République. Il réapprit l’humilité (cet ingrédient aussi magique que le doute et la colère), à brosser ses prix et ses ratios. Parfois la clientèle était là, parfois elle disparaissait quelques jours, pour mieux revenir. Sans doute eut il fallu une attachée de presse, des tireurs de ficelle; mais il faut croire que l’univers de Bertrand Gueneron est plus subtil, plus patient. Il fonctionne souvent à la saison : le lièvre à la royale, l’hiver venu, est à tomber de l’armoire. C’est une nuit de velours noir. Constatant que l’été venu, il manquait un jumeau à ce plat baroque, Bertrand Gueneron se souvint qu’il  rencontra le fameux Docteur Parcé, figure légendaire de l’appellation Banyuls. Ce dernier lui confia une recette un peu barrée à base de homard et une mixture digne d’un chaudron de sorcières:amande, cannelle, chocolat (60% d’amertume) avant d’ajouter oignon, échalote, huile d’olive, ventrèche, carotte, rancio, zeste d’orange et de citron, gingembre et sans doute d’autres poudre de perlim pimpin qui nous donne un plat à vous donner les cocottes. C’est à la fois suave et intrusif, une décharge douce, une musique d’orgues knoutée à la dernière minute par une griffure de debout et surtout, cette alchimie rare de la cuisine lorsque des produits nobles comme le homard (canadien, d’origine, c’est mieux lorsque l’on joue avec les sucrés/salés)   et cet orgue à saveurs, survolé à la dernière minute, de basilic ciselé et d’amandes grillées. Il est proposé à 37 euros et fonctionne bigrement bien avec un vin du Languedoc, le château saint martin de la garrigue à 36 euros. En dessert,  au point où l’on en est, on peut basculer dans le fossé avec un millefeuille vanille à aboyer de plaisir. On peut du reste, eu égard à une clientèle civilisée,  attendre d’être dehors pour le faire.

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Place de Choix : Notre préféré, dans l’entrée à droite et à gauche, tendre planque jumelle (la 18 et la 19). Le reste dans la salle dispose de points de vue enviables dont la 15 (près de la caisse) et la ronde (l’as).

Dommage: Peut on regretter à cette table, sa discrétion vertueuse ? Qui est on si ce n’est ce qu’on nous reproche ?!

A emporter : Des cartes de visite de cette table et les refiler à ses bons amis.

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Décibels: 70db, le paisible clapotis de conversations du soir.

Mercure: 23°c en cette soirée de début d’été.

Addition: Comptez 50-60 euros à la carte, menu découverte à 60€.

Minimum syndical: menu au déjeuner 30 euros en 4 séquences, ou alors le plat direct avec un verre de vin.

Verdict : oui, illico !

Passage à l’acte : Le Bascou, 38, rue Réaumur, 75003 Paris. Tel.: 01-42-72- 69-25. Fermé samedi et dimanche.

Le Bascou, 38, rue Réaumur, 75003 Paris

  • popof
    21 juillet 2015 at 11 h 32 min

    Curzio Malaparte aboyait dehors mais s’attirait quand même la réprobation générale.