Londres, voyages d’automne (sixième jour, T2)

DU BON USAGE DES RESTAURANTS LONDONIENS

C’est bien beau d’arriver à St Pancras, mais si vous n’avez pas déjà réservé votre couvert, vous allez souffrir pour trouver de la place. Petite trousse de survie, à l’usage des fourchetteurs.

HomelogoGastronomie, évitez. Si cela vous chante, vous pouvez toujours essayer d’aller tâter du Gordon Ramsay, du Tom Aikens voire du Heston Blumenthal, à Bray. Mais sincèrement, sans être prétentieux, il y a aussi bien à Paris. Sinon mieux. Gordon Ramsay, par exemple, c’est du Guy Savoy années 1980 ). Blumenthal (au Fat Duck) navigue entre Sartre et Mary Poppins et a quelques pendants en France (Decoret à Vichy, Thierry Marx à Bordeaux).

Old restaurants, tentez. Et si, finalement, le véritable exotisme londonien figurait dans ses bonnes vieilles adresses. Elles sont franchement irrésistibles dans leur bravache désuète, à ferrailler pour un bœuf Wellington, des huîtres à la Rockefeller, du stilton accompagné d’un verre de porto, de butter pudding, de la Dover sole. Choisissez Rules, Simpson’s, Green’s, Wiltons
Canteen

Fish and chips, la mauvaise foi joyeuse. Très canaille distinguée, splendidement lumpen chic, les fish and chips ont cet art vachard de faire tomber à la renverse les gastronomes en mal de frissons. Mais avec une bière gelée, cela devient une vraie poilade. Parmi les meilleures adresses, Canteen, et pour nos lecteurs, à Portobello, le George. Vous allez être dépaysé. Toujours dans le rapport qualité-prix, Kiasu, pour sa cuisine asiatique, tendance Singapour.

Indiens, toujours fameux. Contrairement à Paris qui maltraite les cuisines étrangères (on les moque), ici, pas question de faire à moitié. Prenez les restaurants indiens, c’est un vrai bonheur : Amaya reste notre adresse préférée avec des plats enchanteurs (excellents birianis).Amaya

Japonismes, osez aussi ! À jouer décomplexé, les Britanniques réussissent là ou d’autres hésitent. Ils foncent tête en avant. Exemple Roka, dans le délicieux quartier de Fitzrovia. C’est nickel, inspiré d’une réinterprétation de cuisine japonaise bienvenue : saint-jacques saisies en beauté, et desserts somptueusement écœurants. Et toujours Wagamama, pour ses nouilles et ses soupes, ou Zuma, dans une atmosphère Sex and the City.

RosantalGastropub, la ferveur appliquée. Lancé en 1991 avec le Eagle, à Farrington, le mouvement gastropub propulsa, à l’instar de la bistronomie en France, de jeunes chefs qui souhaitaient s’imposer sans s’étrangler en emprunts. Même carte à l’ardoise, même esprit léger, mais même défaut aussi, le dérapage des prix si l’on n’y prend pas garde. Testez quand même Charles Lamb pour la qualité de ses bières, Rosendale (lauréat 2008 de l’efficace guide Time Out, 12 £).

Tables du shopping, avant l’évanouissement. Pour se donner bonne conscience, on visitera le Tate Modern car ce sera aussi l’occasion de faire un tour à la cafétéria, très réussie, au niveau 2 (parfait pour les familles). Ensuite, vous pourrez aller torturer votre carte de crédit. Promenade le long des quais et déjeuner à la Tour du Pont (superbe vue en contrebas sur le pont de Londres). Fifth Floor (dans Harvey Nichols) reste une des meilleures adresses du genre. Pour les dingos de produits bio, un superbe magasin vient d’ouvrir à Kensington, Whole Foods, (63, High Street). À côté, nos champions nationaux ont l’air de guérites d’autoroute.Wolseleysign

Rites locaux, indispensables. Un thé au Ritz et, pour débuter la soirée, un verre de vin blanc avec des huîtres dans une brasserie mondaine. On optera pour le Wolseley. Même tôt, ce n’est pas gênant car dès 18 heures, le bal des allers et venues est fascinant (défilés dignes d’une standing ovation), éclairage sépia, architecture Mitteleuropa, brouhaha follement distingué.

Mode, le goût du risque. Vous serez prévenu : les tables à la mode sont terrifiantes. Plats avenants (comme ce gigot de sept heures, au Tom’s Kitchen), service souvent désarmant de gentillesse (Tom’s Kitchen, Saint John), cartes des vins délurées, réservations pas piquées des hannetons, niveau sonore d’enfer. Ou l’art de la romance en hurlant, le soupir en s’époumonant…

L’art de réussir un restaurant. Le restaurant est devenu un style et, ici, on le cultive avec une fascinante ouverture : british revival, tables bio, corners turcs, gastropubs, cuisine italienne rustique, fusion australienne, tables de nostalgies, néojaps, adresses design (comme Skylon), indiens du Sud, global international (Sketch, avec Momo et Pierre Gagnaire), vous allez adorer…

  • Laurent (GoT)
    16 novembre 2007 at 20 h 54 min

    Surpris de votre commentaire sur le Fat Duck car il me semblait avoir vu voici 1 an ou 2 l’une de vos chroniques sur Paris Première ventant sans retenue les mérites de cette table (qui pour moi est l’une des toutes meilleures au monde, juste devant des Gagnaire, Bras, Klein, Decoret ou Noma qui figurent pourtant au firmament de mes expériences…). Je me souviens de votre invitation au voyage, à prendre ce train depuis Londres pour rejoindre Bray et vivre cette expérience culinaire hors du commun proposée par H. Blummenthal. Auriez-vous changer d’avis en la comparant à un Decoret qui – malgré toutes ses qualités et sa cuisine moderne et déroutante – est quand même un cran en dessous sur bien des registres ?