Lièvre à la royale, vous aimez cela ?! Attention, ça va canarder…

Bascou
(photo réalisée au Bascou, de Bertrand Gueneron…)

Carême ou Couteaux, à quelle sauce manger le lièvre à la royale ?

C’est l’un des plus beaux plats de la gastronomie française. Une sorte d’hallali magnifique joué dans les méandres sombres d’une sauce légendaire. Petite question, faut-il exécuter la bestiole façon Couteaux ou façon Carême ?

PLAT CULTE.

Lorsqu’on n’est pas averti, le lièvre à la royale, c’est quelque chose. Lorsqu’elle arrive au restaurant, l’assiette est comme un linceul fumant. Il y a là un lièvre qui gît dans une flaque chocolatée. Le lièvre à la royale ? On imagine un trône, un sceptre, des laquais, des joueurs de clavecin. On glisse alors la cuillère dans le vif du sujet. C’est comme se lover sous une tente. Il y fait chaud. On distingue des ombres, des formes.

Il fait délicieusement nuit. Une sorte de nuit de velours noir. Ce lièvre, du reste, en aura traversé des nuits avant d’atterrir dans votre assiette. Certains chefs, comme Bertrand Guéneron, au Bascou, à Paris, le mitonne pendant une semaine entière (marinade au vin pendant deux jours, plus de vingt heures de cuisson à basse température…). Jérôme Banctel, pour Senderens, pousse même jusqu’à 36 heures à 62° C. D’autres, tel Manuel Martinez, au Relais Louis XIII, font plus simple, évitent de trop le parfumer (juste sel et poivre, pas d’épices) et travaillent au plus près le goût du gibier. Imaginez un peu ce lièvre désossé, fourré de foie gras et arrivant sous cette robe capiteuse, aussi épaisse et terrible que du pétrole. C’est un grand moment de gastronomie, parce que se mêlent ici élégance et puissance. Une sorte de violence smart, une déflagration de plaisir. Les dingos du genre posent cependant un préalable à l’exécution du lièvre : faut-il le faire façon sénateur Couteaux (ou à la poitevine) ou bien façon Carême ? La différence n’est pas évidente pour les béotiens. Disons que celui du sénateur Couteaux se mitonne avec le lièvre entier, alors que Carême le désosse et joue la farce à fond l’harmonium : foie gras et truffe, même si les saisons (le lièvre, c’est jusqu’à fin décembre) ne fonctionnent pas tout à fait : la truffe commençant alors à émettre son chant de la terre… Dernière chose : toujours s’assurer que la bombinette est bien dans le tuyau, le lièvre n’étant pas systématiquement à la carte. Il faut bien souvent le réserver.

Sénateur Couteaux

L’esprit de la recette. L’originale suggérait de l’épique (60 échalotes, 40 gousses d’ail, deux bouteilles de chambertin) certains y ajoutaient même… des huîtres. Disons que vous tenez là une version plus rustique, avec le lièvre en entier, fourré ou non. Ensuite, on retire les chairs pour délivrer, en effiloché, une sorte de rillettes chaudes. Joël Robuchon, poitevin comme le sénateur Aristide Couteaux, le réhabilita avec ferveur, via le Larousse gastronomique et ses nombreux restaurants.

Paris, Atelier Joël Robuchon, 5, rue Montalembert, Paris (VIIe). Tél. : 01 42  22  56  56. Environ 80 € (dès la mi-novembre).

Collonges-au-Mont-d’Or. Paul Bocuse, pont de Collonges. Tél. : 04  72  42  90  90. Tlj. À la commande, le lièvre entier pour 4 à 6 personnes (400 €) sinon, au torchon, 65 € par personne.

Antonin Carême

L’esprit de la recette. Codifiée par Henri Babinski, alias Ali Bab (1907), la recette est beaucoup plus aristocrate. Le lièvre est désossé avant cuisson, puis on le farcit avec foie gras, truffe, le tout balançant entre civet et daube.

Paris

Au Bascou, 38, rue Réaumur, Paris (IIIe). Tél. : 01  42  72  69 25. 50 € à la carte, mais peut être servi en demi-portion (25 €).

Bistrot Paul Bert, 18, rue Paul-Bert, Paris (XIe). Tél. : 01 43  72  24  01. Dans le menu à 36 €.

L’Épicuriste. 41, boulevard Pasteur, Paris (XVe). Tél. : 01 47 34 15 50. Dans la formule à 34 € (supplément 12 €).

Relais Louis XIII, 8, rue des Grands-Augustins, Paris (VIe). Tél. : 01 43  26  75  96. Au menu déjeuner à 50 € (supplément 10 €) ou 48 € à la carte.

Senderens, 9, place de la Madeleine, Paris (VIIIe). Tél. : 01 42  65  22  90. 80 €.

À Saint-Martin-du-Tertre, près de Sens, chez Joëlle. Tél. : 03 86  66  33  57. Tenez-vous bien, dans le menu à 12,50 €, le jeudi, avec un supplément de… 1 €!

Bascou2

( ici au Bascou, ma table préférée est dans l'entrée…)

L’un et l’autre

Souvent les chefs « pinochent » entre les deux, à l’instar du Lion d’Or, à Pierrefitte-sur-Sauldre, où Josiane et Jean-François Martin, dans un épatant menu à 40 € (à la carte, 21 €) proposent une recette métissée, mijotée (8 heures à 80° C) et sans trop d’épices. Et ce, avec une farce originale, foie gras et joue de porc et surtout avec un gâteau de pommes de terre àtomber sur le derrière (attention, sol en tomettes cirées). Éric Sapet, à Cucuron (Vaucluse) joue sur les deux tableaux dès que le froid arrive (ou sur commande), façon Couteaux en compotée (ail et échalotes à fond) puis en lièvre à la royale façon Carême, tout cela dans le cadre de son menu à 65 €.

Le Lion d’Or, 1, place de l’Église, Pierrefitte-sur-Sauldre (41300). Tél. : 02 54  88  62  14.

La Petite Maison, à Cucuron (84160). Tél. : 04 90  68  21  99.

Plus

Épices. Attention, les uns hurlent au massacre (« On n’est pas dans une parfumerie ! », tonne Manuel Martinez), d’autres, comme Bertrand Guéneron font un lit douillet et odorant : orange, citron, cannelle, sarriette, romarin, genièvre, clou de girofle et même du cacao (deux cuillères à café pour un lièvre).

Les fautes. Surcuire, trop d’épices, vieux lièvres.

Un truc. Si vous voulez avoir une sauce brillante, il n’y a pas de secret : rajoutez des tomates, lors de la cuisson.

Se laisse-t-il accompagner ? Houla, l’objet est déjà rudement costaud mais on peut rajouter des valises sur la galerie : tagliatelles, gnocchis, purée (au céleri), ou même un gâteau de pommes de terre. Après, annulez tous vos rendez-vous.

Conseils d’achat. Hugo Desnoyer cherche le mâle à poils roux (le lièvre, entendons-nous) d’origine française, bien tué et non massacré. De préférence, jeune pour la tendreté. Il faudra compter entre 30 et 40 € pour un lièvre de 2-3 kilos, idéal pour 6 personnes. Les prix chutent dès qu’il s’agit d’élevage ou de provenance étrangère, ce qui ne signifie pas forcément que l’animal soit indigne. Disons, un peu moins royal.

Quel vin ? Manuel Martinez, du Relais Louis XIII a connu une époque syrah, histoire de faire correspondre les cors de chasse. Maintenant, il s’est apaisé et se dirige vers les bordeaux, style chasse spleen. Bertrand Guénéron, lui, a un petit faible pour un minervois. Pour Enrico Bernardo dans Que boire avec… (éditions Le Figaro) : cap vers les rouges puissants le la vallée du Rhône (Courbis, Guigal…)

 

 

  • Hervé
    19 octobre 2011 at 18 h 42 min

    Maso vous avez dit!!!
    Mr Simon, je vous invite à venir gôuter mon Lièvre à la royale(désossé,farci,épicé,cacaoté,cuit sous vide 36h à 66°c,sauce liée au du dit lièvre et disponible à la portion à la carte)
    Chardonneau Hervé Restaurant Casse-Cailloux TOURS

  • Alain Kritchmar
    20 octobre 2011 at 5 h 39 min

    En fait Sénateur Couteaux ou Ali Bab, il est autant de recettes de lièvre à la royale que de chefs pour les réaliser. Chacun à sa recette. Pour en avoir tester 5 par années depuis 11 ans, nous n’en avons jamais trouvé une identique mais bien entendu, certaines supérieures aux autres. Celles qui ont marqué nos mémoires ? L’Astrance de Pascal Barbot, Alain Sanderens, Christophe Moret quand il était encore au Plaza, des plus rustiques mais mémorables comme chez Bruno Doucet à la Régalade et effectivement au Bascou mais aussi chez Gérard Besson quand il était encore en activité.
    Le prochain sera lundi 24 au Bistrot des Gastronomes rue du Cardinal Lemoine, commentaires prochainement sur notre site :
    http://www.club-prosper-montagne.fr
    ps: notre guide gastronomique est en librairie depuis hier

  • Prosper Constantin
    20 octobre 2011 at 14 h 21 min

    L’ARTICLE QUE NOUS ATTENDIONS.
    Monsieur Simon, vous êtes l’idole des jeunes. Merci.
    SALUT

  • Karel Brokken
    21 octobre 2011 at 0 h 20 min

    pour acompagner essayez une salade d’endives.
    (witlof)mayonnaise,crème et moutarde.
    N’oublie pas de l’essayer au Chiberta

  • Delices et gourmandises
    22 octobre 2011 at 10 h 47 min

    Faites une halte delicieuse au Restaurant chez Geraud 31 Rue Vital 75016 Paris… Le lievre y est memorable, laissez vous guider par le Patron pour le Reste du repas.

  • Ben
    25 octobre 2011 at 23 h 17 min

    Mon bistro de quartier dans le 12ème, 75 rue crozatier, « L’Etoile Rouge » le met de temps en temps à la carte, très réussi!

  • DF
    2 novembre 2011 at 15 h 48 min

    Faute d’avoir réservé, j’ai manqué cette année celui de la Table des Lys à Saint-Etienne… snif! L’établissement le présente comme l’un de ses fleurons.

  • Cindy Haupert
    10 novembre 2011 at 16 h 57 min

    Le Lièvre à la Royale se déguste aussi au restaurant Fernand à Bordeaux :
    http://www.fernand-bordeaux.com/