L’événement de l’édition, la sortie du Modernist !

On en parle un peu partout, voici un petit jus réalisé lors du passage des auteurs à Paris. Et ce à l'attention du Figaro Magazine

 Annoncé comme le livre de cuisine révolutionnaire, rejoignant l'Escoffier dans le paradis des ouvrages. Il fait déjà un malheur aux Etats Unis avec ses 20 kilos de photos renversantes. Il vient d'être couronné meilleur livre gourmand de l'année par le pôle gastronomique du groupe Figaro.

C'est sans aucun doute le livre le plus spectaculaire de ces vingt dernières années. Certes, il y eut de superbes livres, lourds comme un cheval mort, aussi refroidissants qu'une pierre tombale dans lesquels les chefs stars avaient, soit dit en passant, proprement vidangé leurs ordinateurs. Edité par Taschen, Le Moderniste ; art et science culinaire réalisé par Nathan Myhrvold ( un des fondateurs de Microsoft), Chris Young (ancien chef au Fat Duck, à Bray, Angleterre), et Maxime Bilet est une façon de nous prendre par la main et de nous expliquer tout doucement comment la cuisine a fait sa révolution pendant ces dernières années.

Les techniques ont évolué, de nouvelles machines ont ouvert des perspective troublantes (comme la centrifugeuse dissociant les éléments d'un petit pois), le contrôle des températures nous a rapproché des saveurs originelles. Tout cela, le trio technico-gourmand nous l'explique dans une somme de 2438 pages dont 3216 photographies sidérantes. Tout à coup, la cuisine devient claire, attrayante. Nous sortons enfin des discours impérieux, de chef à troufion. Place à une pédagogie décoincée avec des trucs dans tous les coins, des astuces et le bon sens développé en technicolor. C'est bien simple les trois compères passent en revue la nouvelle la cuisine, expliquent tout du cappuccino à la cuisson des poissons nobles en passant par le secret du poulet rôti à peau croustillante (tout cela est raconté dans l'entretien). Pour tout dire, on a qu'une seule envie : passer à la casserole.

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Existe t il encore des produits qui vous résistent, qui vous ont fait des misères ?

Nathan Myhrvold. Le défi précisément de ce livre, consistait à aller au delà des difficultés. S'il fallait passer deux semaines ou deux mois à résoudre une énigme, alors nous le faisions. Le cas du soufflé illustre ce que vous nous demandez, nous en avons fait 15O versions avant de le proposer de la sorte. Il y a toujours des ingrédients ingrats, comme le flétan, c'est comme du turbot mais il n'y a pas de saveurs. J'ai eu beaucoup de mal aussi avec l'amidon avec son coté gluant, il masque la perception des saveurs. En tant qu'épaississant, nous avons préféré la gomme xantham, on obtient la texture parfaite sans modifier les saveurs.

D'autres matières vous ont-elles enchantés ?

Les légumes tout comme la viande nous ont extrêmement motivés puisque nous consacrons jusqu'à  250 pages à celle ci. Nous aurions pu poursuivre ces variations très loin. Nos favoris restaient les légumes, si complexes, si variés. On a juste commencer à explorer les possibilités ; on aurait pu consacrer des centaines de pages de plus tellement cette galaxie est sidérante.

Avez-vous eu parfois l'impression de créer une recette ?

On peut toujours débattre sur ce thème sur ce qui est original ou non. Vous savez, le cuisinier fonctionne comme l'écrivain. Il existe un même dictionnaire avec tous les mots possibles mais ce sont les mêmes pour tous. Nous, c'est pareil, nous avons le même vocabulaire, mais nous le composons différemment. Il en existe néanmoins un consommé de bleu (beef stew) avec des petits légumes. Nous avons cuit sous vide à basse température, juste pour extraire un jus à 53°C ; le jus a un saignant rouge vif <dramatique> avec une saveur phénoménale. Cela en fait un plat superbe et que je sache originale, pile entre tradition et innovation.

Vous venez de l'informatique, pourquoi s'être contenté de travailler sur un média considéré comme archaïque, le livre ?

Tout simplement, parce que la technologie du livre fonctionne parfaitement bien. Il y aura sans doute une version électronique, mais je pense qu'à ce jour, le livre c'est parfait !

Comment expliquez-vous l’énorme intérêt aujourd'hui pour la cuisine, alors qu'il y a peu cette discipline était si triviale ?

Qu'est ce qui fait l'art, si ce n'est que de susciter l'émotion. Comme une peinture, un bâtiment, un opéra. Il n'y pas pas seulement la musique, il y a l'émotion. La nourriture à cette même façon de sensibiliser les gens. En France, cela fonctionne encore mieux tout simplement parce qu'ici, on respecte les chefs plus qu'ailleurs. D'où cette puissante culture culinaire. Aux Etats Unis, il y a vingt ans, lorsqu'un adolescent veut devenir chef, c'était un peu la honte, maintenant, cela a radicalement changé.

Existe t il une cuisine américaine ?

Je dirais oui, mais pas de façon globale. Elle existe un peu comme en Italie avec des cuisines régionales: southern cuisine, south western,tex mex, new england. Les cuisiniers utilisent des combinaisons de produits et de saveurs propres à ces régions. Beaucoup de ces chefs sont également inspirés par d'autres pays comme la France et réalisent une sorte de nouvelle cuisine influencée par l'esprit de la nouvelle cuisine mondiale, celle là même réalisée par les Nobu, Ducasse, Keller, Robuchon. Le monde se mélange ! Il suffit de voir en France tout ces restaurants qui utilisent la soya sauce. Elle est partout !

Le Moderniste est assez proche de la cuisine moléculaire, comment se fait-il qu'elle ait déjà quasiment disparue sans impressionner durablement ?

C'est toute l'histoire de l'art. Il y a des mouvements, comme les Impressionnistes, puis d'autres suivent sans pour autant être déconsidérés. C'est le propre du changement que l'on connait aussi en cuisine. Certains chefs ont pour pour but d'être radicalement différents, de créer un choc. C'est le cœur de leur invention. Ferran Adria avait ce goût pour nous surprendre. Notre livre intervient pour expliquer cette incroyable révolution et pointer tout ce que l'on peut garder dans les cuisines. Notre but, c'est de donner aux chefs et aux amateurs, le pouvoir de reproduire ces idées de l'évolution récente avec une présentation riche et claire. 

Lorsque vous actualisez une recette de Fernand Point, qu'entendez-vous par là ?

C'était le grand père de la cuisine moderne. Depuis lors les techniques ont évolué spectaculairement. Nous calmons le jeu par des démonstrations claires…

…Claires mais un brin compliquées tout de même ?

Détrompez vous, il suffit bien souvent de se procurer un thermomètre de cuisson à 8 euros. C'est un peu le pilier de notre travail. Nous avons constaté qu'un poisson n'était jamais aussi savoureux que cuit entre 40 et 50°C. Pour les viandes rouges, on glisse entre 50 et 60°C ; 60 et 70° pour les volailles et les oeufs. La côte de bœuf, l'idéal se situe à 53°C. Et cela tout le monde peut le faire.

Existe-t-il des progrès inutiles en cuisine comme naguère le couteau électrique qui explosait les viandes ?

Le four à micro ondes sans doute. Très pratique mais pas indispensable.

Le plus bel instrument ?

La centrifugeuse à haute vitesse, on dirait une machine à laver, on peut faire deux litres de liquides fabuleux : purée de tomates et poivrons, les huiles infusées…Regardez ces petits pois, nous les avons fait tourner une heure pour obtenir trois éléments dissociés : l'amidon sans goût (mais parfait pour faire des biscuits joliment verts). Deuxième partie, le jus est doux, subtil. On l'utilise comme bouillon et après, juste 3 à 5% du résultat, c'est le gras du petit pois, ça c'est superbe. C'est comme un beurre doux avec une saveur inouïe! Sur du pain de campagne au noix, c'est l'essence même des petits pois. On a isolé sa quintessence. L'idée de notre cuisine, c'est de raffiner une cuisine déjà délicieuse, lui donner un niveau de perfection.

La plus grand bêtise que l'on fait tous les jours chez soi ?

Sur-cuire. Beaucoup de techniques de cuisson sont contradictoires. Prenez le poulet, on veut une peau croustillante et une chaire moelleuse…C'est à priori impossible !

Alors ?!

Nous suggérons de cuire le poulet à 60°C pendant trois heures puis à 300°C pendant six minutes. Le résultat est stupéfiant. C'est un peu le secret de nos cuissons : les dédoubler.

 Y-a-t il cependant des fautes que vous aimez faire, quel est votre mauvais goût ?

Les hot dogs, j'avoue que ce n'est pas de la grande cuisine, mais j'adore ! J'avoue que le devrais manger un peu moins gras que je ne le fais !

 

  • Eric
    21 novembre 2011 at 16 h 18 min

    Bonjour,
    pour avoir reçu la version US à l’occasion de mon anniversaire début novembre je vous confirme que le Modernist est exceptionnel.
    Les photos, les techniques et plus que tout la liaison simplement expliquée entre la science et l’assiette, tout est dément.

  • Nicolas
    21 novembre 2011 at 20 h 42 min

    De mon coté je vous recommande chaudement l’institution, un ouvrage qui présente de nombreuses spécialitées francaises. Les photos sont vraiment renversante.

  • S Lloyd
    21 novembre 2011 at 22 h 02 min

    Merci pour cet article. Ca vaudra la peine d’économiser pour l’acheter car il renferme énomément de matériel sur la cuisine moderne. En tout cas, bien plus que tout ce qu’on ait eu à date.