Forbach : le steward a manqué son train

La Bonne Auberge, à Forbach 1

L'autre samedi le Figaro a publié une petite chronique concernant une escapade à Forbach. La pagination fluctue comme le savez, une publicité tombe à la dernière minute, il faut tout de suite couper au plus vite. Du coup, la chronique initiale reste à quai. C'est précisément celle-ci que je vous livre ce matin. Question: un texte gagne-t'il toujours à être raccourci ? Je ne sais pas vraiment bien que le resserrer ne peut que lui faire du bien. C'est comme une volaille que l'on bride solidement. Elle a alors belle allure !

À chaque petit voyage en France, notre ami le steward, personnage plus que réel, dingo de bouffe cocardière, concocte les itinéraires, bichonne les réservations avec des noms qui vous laisseraient sur le flanc dans leur dimension bucolique. Bref, à chaque fois, c’est du billard. Horaires de trains ciselés, transfert TER, taxi et hôtel à proximité. Certes, sur ces derniers, l’approximation est reine dans l’élégance des lieux. Une fois ce fut un hôtel de passe et son sympathique brouhaha, une autre une chambre d’hôte en Ikéa d’occase. Cette fois avec Sarrebruck, nous eûmes droit à un solide hôtel fonctionnel avec vingt-trois célibataires en tête-à-tête avec leur petit-déjeuner. Nous ? Enfin, ma pomme. Car la neige entre temps avait obstrué les canalisations et le triste sms tomba : empêché, le steward, bloqué à Rio de Janeiro (c’est mieux que sur la Francilienne) renonçait. J’étais donc bien seul mais pas trop triste (un bon livre) à la table de la Bonne Auberge, à Forbach.

L’adresse eut ses heures de gloire dans les années 90 avec les deux sœurs Egloff. Depuis, à en lire, les articles de presse, elles collent à la modernité, la devancent, essaient de ne surtout pas rester immobiles. Ce qui est franchement louable. La modernité, cela dit, ce n’est pas du gâteau. C’est même un vrai piège, la mode est devenue fantasque en un battement de cil, elle disparaît (le moléculaire). Pourtant dans ce restaurant sérieusement moderne, décoré avec diligence, l’assiette est plus que vaillante. Elle se concentre avec une application soutenue. La composition de foie gras poêlé aux coings et son sorbet au coing, arrive sur une assiette perpendiculaire. La partie habitée du plat est au loin. Devant , une plage méditative d’une vingtaine de centimètres comme s’il fallait gagner le contenu. C’est un genre.

La Bonne Auberge, à Forbach 2

Déjà à la Grenouillère, j’avais goûté un plat décentré de la sorte,histoire de faire parler, d’attirer l’attention, la grande hantise des chefs. J’imagine la tête du steward au-dessus de ses arabesques stylées mais un brin elliptique. Les saint jacques au boudin noir procédaient de même, avec cette concision un peu pincée alors qu’une crème soufflée à l’irish coffee sortait avec une jolie subtilité d’un intitulé risqué. Atmosphère paisible avec ces tablées à l’image des assiettes (sérieuses et en retenu, ou alors pas du tout comme une tablée de notables en goguettes  décrétant au bout de quelques rasades : "Bois donc deux ou trois verres, au volant, ça donne toujours confiance !".

Enfin la soirée prenait de la hauteur, service très attentionné et précis, qui aurait enchanté notre steward, épice évidemment manquante à cette soirée de gastronomie française déroulant posément son panache années 90.

Restaurant La Bonne AubergeAdresse : 15 Rue Nationale 57350 Stiring-Wendel Tel : 03 87 87 52 78 MAP

  • Gicerilla
    28 janvier 2011 at 6 h 37 min

    Je me demande qui peut vouloir passer un bon moment à Forbach, aux confins de la Moselle ? Assurément, on ne s’y trouve pas par hasard et votre chronique me donnerait presque envie d’y faire un détour. J’ai dit presque, il ne faut pas exagérer. Cela dit c’est toujours un plaisir de vous lire même si parfois je m’interroge sur la signification de certaines métaphores « sur une assiette perpendiculaire… » (?)