Le Grand Venise au classement de l’UNESCO ?

Le Grand Venise

Un jour ou l’autre, ces restaurants vont disparaître. Ils vont glisser sous la mer comme des sous-marins en immersion. Du reste, dans ces tables d’un autre temps, il y a cette même frénésie électrique. On pourrait même entendre les cloches marteler, les serveurs glisser sur les tubulures des échelles ; le sonar scander l’approche des récifs. Ce soir, nous avons réservé au Grand Venise, à Paris. Une table venue d’ailleurs, un croisement invraisemblable entre Jean Claude Brialy, le décorateur Roméo du faubourg Saint Antoine, et le Grand restaurant, avec Louis de Funès. C‘est comme une galaxie enchantée, une comédie musicale, où la patronne articule les intitulés de plat comme aux couvents des oiseaux et dans la demi-seconde d’après, houspille le personnel de façon faussement discrète. <Ca va pas, ça va pas, ce soi !>. Pourtant tout va bien, mais il existe dans la gastronomie une fibre saint- sébastienne. Il faut organiser la panique (ce doit être pareil dans les cars régie de Canal +), retrousser les babines, aboyer devant son ombre,  chercher l’adrénaline. On trouve un authentique plaisir à se faire suer : éplucher des patates, faire l’argenterie, attendre que le dernier client ait piégé l’ultime goutte d’armagnac. On se plaint comme dans un chant mystique, une mortification rayonnante, le murmure ravi de la peine. Le directeur de salle est du même coupon, pique des fards pour un cornichon de travers, les saint jacques manquantes. Et la nourriture dans tout cela ?

Le Grand Venise

Elle aussi est invraisemblable, outrée. Délirante. Elle ne s’exprime qu’en abondance : plats arrivants de partout, bombardiers de charcuteries, jatte de beurre et de crème. C’est ici  sans doute que le haut débit est né. C’est parfois inutile : va t on croquer dans les immenses poivrons, les tomates cœur de bœuf, déposés parmi les radis. Non, c’est le genre, immense, drôle, baroque, soutien gorge rembourré. Les assiettes sont vastes (on cherche les bords). Parfois on se demande, en réclamant du pain, si un semi- remorque de farine ne va pas entrer tout klaxons hurlants. La crème fraîche arrive sans sa vache , la sauce tartare sans  Tarass Boulba, et l’addition avec des zéros à vous étouffer. Clientèle amortie vivant dans l’indolore ces assauts multiples ; tablées prospères grésillant de sms, gentillesse commerciale et climat irrésistible.

Le Grand Venise, 171, rue de la Convention, 75015 Paris. Tel. :01 45 32 49 71. Comptez 120 par personne.

  • TETRIS
    16 avril 2012 at 13 h 48 min

    Qu’est-ce donc cette chose que manipule le serveur ? Une patte d’ éléphant ?

  • Berlage
    17 avril 2012 at 13 h 26 min

    Un bloc de foie gras de mammouth ?

  • Berlage
    17 avril 2012 at 18 h 59 min

    Renseignements pris, il apparaît que c’est « LA » glace au caramel…