Il faudrait une soirée de pluie fine pour mieux goûter encore cette adresse perchée tout là-haut, sur la butte Montmartre. Ou alors une lourde soirée d’été. Sans doute pour la ventilation, mais aussi pour la vue sur le nord de Paris. La basilique veille au grain dans sa chantilly exubérante. Des habitués poussent la porte, tentent l’obtention d’une table. À la bonne heure, ce soir, ce n’est pas complet, il y a match de foot à la télé. Une jolie métisse s’arrête prendre un verre au bar, avant de repartir au turbin. Un petit couple s’échauffe, et glisse dans son enfermement. Le patron passe de table en table, encourage ses chefs en cuisine, raconte la carte. On se croirait ailleurs, n’importe où. Loin de Paris, sur des banquettes de moleskine rouge. Un livre circule autour du bar, Contes liquides, de Jaime Montestrela, Éditions de l’Attente, postfacé par Jacques Vallet. C’est celui d’un voisin, dit-on à l’envi. On en lit tout haut des passages. Il circule même dans la cuisine ouverte, la lecture continue. Que c’est bon !
On n’imagine guère des nourritures sosottes servies en un tel lieu. Il y a comme une implacable harmonie entre l’atmosphère, le sentiment de cette adresse et les plats. À tous les coups, vous avez déjà deviné le carré de porc servi avec choucroute et pommes de terre, l’agneau de lait avec ses carottes confites, le carpaccio de lieu jaune à la roquette… C’est exactement comme on le pressentait : honnête, généreux, sans façon. Et bon, à l’instar d’une mousse au chocolat au lait et gingembre, fraîche et onctueuse. Carte des vins rutilante et pulsée par le patron, qui, parfois, fait le tour en salle et propose un verre, comme ça. J’étais sur son passage et j’ai hérité de quelques gorgées d’un tavel rosé ! Pour les prix: entrée-plat, 26 euros, quelle affaire quand on pense aux arnaques déployées sur la place du Tertre à une centaine de mètres !
8, rue Lamarck, XVIIIe. Tél. : 01 42 55 04 55. Le soir, du mer. au dim. ; le midi, ven. et dim.
Polycarpe
30 avril 2013 at 18 h 21 minLe voisin est l’oulipien Hervé Le Tellier…
le ‘traducteur’ de Montestrela.
Raison de plus de fréquenter le quartier,
p.
gibier
20 mai 2013 at 1 h 52 minOui, ce restaurant est rare. Rare parce que la patron est angélique, rare parce qu’on y vend du très bon vin « nature » parce qu’on aime ça et pas parce que c’est à la mode, rare parce qu’en effet la nourriture y est de très bonne facture et pour une somme modique. On se sent bien au Grand Huit et Kamel, le patron, y est pour quelque chose. Et le tavel était probablement celui d’ Eric Pfifferling du domaine de l’Anglore. Un vin rare lui aussi.