Le bec au Cauchois, Pierre Caillet dans sa solitude…

Valmont exterieur

Il en faut du cran. De la patience. Il faut sans doute être aussi têtu. Se boucher les oreilles comme font les enfants lorsqu'ils chantonnent. Ne pas écouter les sirènes, les demandes des clients. Foncer droit devant. Nous voici à Valmont, à la sortie de Fécamp, non loin de Rouen. Une auberge au bord de la route, ses lacets et ses virgules. Ce restaurant était dans son cadre, avec ses plats roboratifs, sa solide cuisine normande lorsqu'un jeune couple y jeta son dévolu.
Grand classique de la profession, ils s'étaient rencontrés quatorze ans plus tôt dans une école hôtelière, étaient passés par l'Irlande et les hôtels, avaient traversé de belles maisons (Jean-Paul Jeunet à Arbois, Le Bec Finà Dole). Dans ce genre de configuration, il faut être bigrement hardi pour s'embarquer dans une cuisine d'auteur. Les gens n'aiment pas ça. Ils attendent d'un restaurant souvent la restitution d'une idée conforme, une sorte de redondance, une réminiscence confuse. Mais les herbes, les fleurs et les associations, trop peu pour eux.
Valmont, saint pierre

C'est pourtant dans cette direction que s'est engagé Pierre Caillet avec le soutien de son épouse, Cécile. Sur les murs du restaurant, les diplômes témoignent de la lente et studieuse ascension du chef, avec comme cerise sur le pudding le titre de meilleur ouvrier de France et l'étoile au Michelin.Du coup, les automobiles retrouvent le chemin du restaurant, ne bougonnent plus devant les intitulés. Ils les écoutent même par adhésion sociale. Car, pardi, la reconnaissance est passée par là. Une revue comme180°C lui consacre un magnifique reportage. Voici donc le bar sauvage, fèves et consoude, condiments maritimes puis, pour terminer, fraises, tartelette au fromage blanc, glace aux cosses de pois.
C'est une cuisine très délurée, un peu en dehors des clous et des modes passagères, très centrée sur les saveurs et les contre-pieds, à l'instar de ces sardines revenues cinq minutes à la vapeur, incroyablement douces (marinées dans l'huile d'olive) et tièdes (la belle température), elles jonglent avec le quinoa et l'ensemble, qui ne va pas chercher la percussion fracassante, s'enroule dans les rendus tendres et précis. Certes, parfois, les citadins peuvent s'impatienter des lenteurs provinciales et de la rythmique convenue.
Mais il faut écouter la musique de Pierre et Cécile Caillet comme une mélopée rare. Qui plus est, elle est encore dans sa gangue (la découpe des poissons crus est parfois un peu sommaire), ce qui signifie que vous avez le privilège de savourer une cuisine en devenir. Pour prolonger le plaisir, chambres donnant sur la nature à prix, eux aussi, cléments.
Le Bec au Cauchois , 22, rue André-Fiquet, Valmont (76). Tél.: 02 35 29 77 56. Ouvert du mercredi soir au lundi soir. Menus à partir de 31 euros, chambres à partir de 95 euros.
Valomont, soupe petits pois
  • Bruno
    14 juin 2013 at 22 h 05 min

    Meme impression d’intemporalité lors de mon unique visite d’il y a 3 ans déjà ! http://lacavedebobosse.blogspot.fr/2010/04/restaurant-le-bec-au-cauchois-76.html
    Bruno