L’Agrume, toujours la même envie d’y retourner !

il y a peu, pour M, le supplément du Monde, je me suis rendu dans cette petite table planquée de la Rive gauche. Voici mon sentiment…
En matière de tables, il serait bon parfois d’avoir une sorte de trousse de secours. Avec, dedans, une bonne seringue pour calmer les impatients, faire sursauter ceux qui vous attendent au coin de la rue. Une sorte de poudre magique, d’onguent apaisant qui vous transforme un repas en un moment de douce quiétude, un calumet de la paix. Ces adresses ne sont pas nombreuses mais vous les retrouverez régulièrement ici, glissées discrètement comme un coupe-file, une poudre de perlimpinpin. Si le préambule est quelque peu longuet, c’est que j’hésite encore à vous refiler cette adresse adorable. Il est clair que, maintenant, les tabourets du comptoir seront un peu plus difficiles à décrocher. Mais qu’importe, tel est notre contrat tacite.

Franck Marchesi-Grandi, chef de l'Agrume, opère dans une cuisine grande ouverte, juste derrière le comptoir où le client s'attable.
Franck Marchesi-Grandi, chef de l’Agrume, opère dans une cuisine grande ouverte, juste derrière le comptoir où le client s’attable. FRANÇOIS SIMON

En cuisine, ouverte donc, officie Franck Marchesi-Grandi. Il est passé par de belles adresses (Gaya de Pierre Gagnaire et le Plaza Athénée à Paris, Le Bernardin à New York). De tout cela, il n’a gardé que l’essentiel. Une sorte de cuisine fonctionnant à l’épure, à la sérénité, au ponçage des recettes. Il suffit de le voir travailler devant vous. Pas un mot (il est seul), juste des gestes. Ces derniers procèdent comme dans une chorégraphie muette : torse pivotant, pincée des mains, rotation du cou, œil d’aigle, noisette de crème, larmes de sauce… On réalise alors qu’un plat naît de ce cheminement amoureux, attentionné. Il y aurait ainsi des plats malmenés, brutalisés, échaudés, tracassés. Ici, non. Le menu au déjeuner débute par une série de trois coupelles (dont des crevettes roses/avocat/citron/grenade). Ensuite, cabillaud poché avec une étuvée de poireaux et une écume iodée pour terminer par un dessert apaisant : une pomme confite au four avec (miam de miam) une crème fouettée. Bien sûr, il n’est pas blâmable de converser avec le chef. Mais il est encore plus plaisant de le laisser se mouvoir dans les buées et ses songes. Rappelons-le, les places au comptoir sont comptées, mais devraient doubler l’été prochain. La salle n’est pas désobligeante pour autant, mais l’atmosphère est plus collègues et banalités de quartier.Le jarret de veau braisé de Franck Marchesi-Grandi, chef de L'Agrume.

Le jarret de veau braisé de Franck Marchesi-Grandi, chef de L’Agrume. FRANÇOIS SIMON

PLACE DE CHOIX Surtout, demander le comptoir (il doit y avoir six ou sept places). En salle, c’est moins marrant. Décor impersonnel vaguement moderne. DOMMAGE  Le succès mitigé de cette adresse quelque peu éloignée des sentiers rebattus. Ce qui n’est pas pour nous déplaire, mais une cuisine a besoin de la ferveur reconnaissante d’un fan-club. A EMPORTER  Les idées toutes simples pour ouvrir l’appétit, comme cette soupe crémeuse de langoustines. L’estomac, en fait, n’attend que ce genre de touche clémente. PASSAGE À L’ACTE L’Agrume, 15, rue des Fossés-Saint-Marcel, Paris 5e. Tél. : 01-43-31-86-48. Fermé dimanche et lundi. Décibels : 74 Db. Il y avait ce jour-là une tablée de collègues, dont deux ou trois leaders affables fayotant avec leur direction. Mercure : 21 °C. Près des fourneaux, c’est si doux. Addition : formule à 22 € au déjeuner. Le soir, on double. Logique. Minimum syndical : un plat direct à 17 € avec un verre de vin. Mais cela risque d’être un peu court. Verdict : go, go, go !

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